L’association de lutte contre le sida AIDES réunit ce week end (22-23 octobre 2016) une conférence dans un hôtel 4 étoiles à proximité de Roissy (Océania). Tous les participants, une centaine en provenance de toute la France, ont été invités, voyage et hébergement offerts par l’association. Impossible de ne pas songer aux techniques des laboratoires pharmaceutiques qui organisent ainsi des séminaires dans des lieux de luxe pour mieux faire passer leur message et influencer leur auditoire.
Qui a été invité et pourquoi ? Il suffit de lire les intentions des organisateurs formulée dans un courrier interne pour le comprendre : la première formulation de cette rencontre était "conférence de consensus", pour réunir “des leaders d'opinions, des relais dans la communauté gay et que c'est donc important qu'ils sachent qu'on peut mettre fin au sida aujourd'hui, qu'on a les outils pour le faire, blablabla... et qu'on leur demandera de s'engager dans la mesure de leur périmètre d'activité (parfois très modestement) et qu'on est prêt à les aider pour cela... il faut surtout les rassurer et les valoriser. "Nous avons besoin d'eux !"
Depuis plusieurs années cette association prestigieuse s’est engagée dans un plaidoyer en faveur de l’utilisation du médicament Truvada des laboratoires Gilead pour lutter contre la progression des contaminations au VIH chez les gays (lire "La sexualité gay : le bonheur dans la PrEP ?"). Or le marché de la PrEP peine à décoller, même si la ministre Marisol Touraine a donné son feu vert en janvier dernier pour rembourser intégralement ce traitement préventif très couteux (450 euros la boite de 30 comprimés). Mis à part quelques médecins très engagés en faveur de la PrEP, beaucoup de professionnels de santé restent sceptiques : en aucun cas ils n’envisagent de se lancer dans une prescription de masse.
Mais pour Aides qui a annoncé clairement ses intentions : « la PrEP pour tous et partout » cela ne va pas assez vite. D’où l’idée de séduire ces fameux leaders d’opinion de la communauté gay pour imposer sa vision de la prévention. De fait cette association se retrouve dans la position de faire la promotion d’un médicament produit par un laboratoire privé.
En tout cas cette conférence réunie dans un hôtel luxueux, avec spa et piscine (il était bien demandé aux participants de ne pas oublier leur maillot de bain) ne ressemble en rien à tous les rassemblements militants LGBT auxquels nous avons l’habitude de participer : quand chacun paye son voyage comme il peut, que l’hébergement se fait chez les copains militants locaux ou dans des hôtels bon marché, et que la réunion est accueillie dans un local public mis à disposition par une collectivité locale bienveillante (comme l’an dernier presque à la même époque se tenaient les états généraux LGBTI à Avignon). AIDES aujourd’hui joue sur un autre registre, sans préciser si c’est le laboratoire qui paye la note, les dons des généreux donateurs privés ou les subventions du ministère de la santé.
Suffit-il aujourd’hui d’offrir un séjour en hôtel luxueux pour anéantir l’esprit critique et la vigilance des militants gays ? Pour bien les connaitre depuis 35 ans que je les fréquente, j’en doute ! C’est bien de vouloir mobiliser les gays sur leur santé sexuelle, c’est nettement moins bien de vouloir les enchaîner aux stratégies commerciales de BigPharma.
PS : il va sans dire que le vieux militant que je suis n'a pas pu s'inscrire à cette conférence, en effet, le consensus ne s'obtient qu'en l'absence des opposants !