Le 23 juin 2011, Carine Fouteau a fait paraître sur Mediapart un entretien très intéressant avec John Turchiano, porte-parole du syndicat auquel appartient Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui accuse Dominique Strauss Kahn de viol. Cet entretien montre à quel point les syndicats américains sont différents des nôtres. J’ai déjà parlé, à plusieurs reprises d’un syndicat américain, SEIU et de ses pratiques malhonnêtes pour tenter de gagner une situation de monopole dans l’industrie des services. C’est l’occasion de revenir sur les dernières évolutions de cette affaire qui oppose une entreprise française à un syndicat américain.
Pour resituer le contexte, SEIU (Service Employees International Union) est un syndicat qui est opposé à l’entreprise française Sodexo. A la base, il s’agit d’un conflit entre syndicats rivaux : SEIU et Unite Here. Les cotisations des employés de Sodexo affiliés à Unite Here ont aiguisé l’appétit de SEIU qui, vu qu’il n’a pas pu les récupérer au cours de sa lutte contre Unite Here, a décidé d’attaquer Sodexo pour le forcer à le reconnaitre comme seul syndicat représentatif. Par cette attaque, SEIU devait contraindre Sodexo à éjecter Unite Here du panel de la représentation syndicale et ainsi récupérer la représentation de plusieurs dizaines de milliers d’employés. A 10 dollars la semaine de cotisation comme il est précisé dans l’interview, cela fait tout de suite des sommes rondelettes. Pour information, le chiffre d’affaire de SEIU, c’est 300 millions de dollars par an !
Pour forcer Sodexo à faire ce qu’il veut, le syndicat a entamé une véritable campagne de déstabilisation relativement simple à comprendre : faire passer l’entreprise pour le méchant, embrigader tout le monde possible dans un dénigrement généralisé, organiser un grand front uni dans la dénonciation et espérer que Sodexo recule devant une telle hostilité. Ainsi, les étudiants de plusieurs pays, Etats-Unis, France, Angleterre, mais également les syndicats de plusieurs pays, bref, tout le monde est invité à manifester contre l’entreprise et peu importe si on oublie au final ce qui est reproché et sur quoi le syndicat se base pour justifier ses attaques.
Car comme je l’ai déjà exposé, les arguments des détracteurs de l’entreprise sont pour le moins douteux. Il existe un rapport qui circule, rédigé par une organisation indépendante appelée TransAfrica Forum. En janvier 2011, cette organisation a publié un rapport appelé Voices For Change – Sodexo workers from five countries speak out. Comme je le montrais dans mon précédent billet sur le sujet, il s’est avéré que ce rapport, pas plus que TransAfrica Forum n’étaient indépendant. En effet, ce rapport n’est ni plus ni moins qu’un copier-coller d’un précédent rapport de SEIU qui a préféré le maquiller aux couleurs de TransAfrica Forum. J’invite chacun à aller constater par lui-même à quel point cette tricherie fait peu sérieux en ces temps de troubles des examens.
Bref, quoi qu’il en soit, aux Etats Unis, les syndicats doivent publier leurs comptes, comme les entreprises cotées, dans un souci de transparence. Et l’examen de ces comptes est très instructif. Comme l’a montré le responsable du site Miroir Social, peu connu pour ses positions libérales, les responsables de ce syndicat empochent des revenus se chiffrant en centaines de milliers de dollars !! 2.5 millions de dollars, rien que pour les vingt premiers salaires ! L’équipe dirigeante de SEIU est donc habituée à un certain train de vie, ce qui justifie très certainement leur volonté de s’accaparer 10 dollars par semaine et par paye d’employés qui sont très très loin d’avoir leur standing.
En poussant un peu les investigations des comptes du syndicat, on s’aperçoit un peu mieux de leur manière de dépenser ces cotisations (à part les mirobolants salaires). Que trouve-t-on donc comme flux financiers versés par SEIU ? Oh ! 45 000 dollars pour TransAfrica Forum ! Voilà qui est bien cher payé pour s’être contenté de publier un faux rapport ! Pour SinalTrainal, autre syndicat ami de SEIU, la récompense est de 20 000 dollars. Pour l’USAS, syndicat étudiant américain qui vante son indépendance, la prime est de 100 000 dollars. Bref, quand on en a les moyens, les amis et les soutiens pleuvent.
Ce qui est assez amusant, pour conclure, c’est de voir qui n’a PAS reçu d’argent de SEIU. Par exemple, Unison, Unite Here, GMB, tous ces syndicats, n’ont pas reçu d’argent. Mais qu’ont-ils donc en commun, qu’ont-ils fait de mal pour ne pas être financés par SEIU ? Eh bien, ils ont signé un accord avec Sodexo. Pas d’attaque contre Sodexo, pas de soutien à SEIU ; pas d’argent ! Et paf !