On a beau tourner la chose dans tous les sens, les justifications avancées par le gouvernement pour prolonger une nouvelle fois l'état d'urgence et réviser la Constitution ne convainquent pas. Autant, suite aux abominables attentats du 13 novembre, la proclamation de l'état d'urgence pour 12 jours était justifiée, autant sa première prolongation pour 3 mois était contestable. Mais, cette fois, elle est proprement inacceptable. Au surplus, le gouvernement s'emploie à entretenir un flou plus que troublant. Pour qu'une prorogation au-delà du 26 février soit possible, il faudrait qu'une nouvelle loi soit votée avant cette échéance. Or, un projet de loi doit être présenté au Conseil de ministres du 3 février, dont on ne sais pas s'il sera spécifique à cette seule prolongation jusqu'au 26 mai ou s'il portera directement sur la révision de la Constitution. Selon ce qui a filtré de la Commission des lois, il prévoirait, d'une part, la possibilité de prolonger l'état d'urgence sans limitation de durée, et d'autre part, il porterait sur la déchéance de la nationalité (voir article ci-dessous).
Vers un coup de force légal
Pour réussir ce « coup de force » légal, il faudrait que le Congrès (réunion des deux chambres) se prononce à la majorité des trois cinquièmes, ce qui ne se fera pas sans un vote majoritairement favorable de la droite, d'où des tractations au plus haut niveau de l’État. Où en sommes-nous avec les autres groupes ? On a encore du mal à anticiper quels seront les votes des socialistes « réticents ». La majorité des députés Verts devrait voter contre. Les députés Front de gauche et les sénateur communistes voteront non unanimement. Il est vrai que cautionner une nouvelle fois le gouvernement relèverait d'une totale inconscience tant les faits et les arguments se sont accumulés en contre. En deux mois, sur les 3189 perquisitions administratives, les 392 assignations à résidence et les 549 procédures judiciaires, seules quatre enquêtes ont été ouvertes jusqu’ici pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. En outre, tous les experts s'accordent à dire qu'avec les lois antiterroristes qui se sont succédé depuis vingt ans, les autorités administratives et policières disposent d'une panoplie largement suffisante d'outils pour faire face à la menace terroriste.
Arrières pensées et intentions machiavéliques
Il devient de plus en plus évident que derrière les raisons invoquées par le gouvernement, il en est d'autres plus inquiétantes. D'abord, mettre la société française sous tension afin de faire valoir un Hollande tutélaire, seul à même de pouvoir protéger les Français aussi bien du danger terroriste que de la menace frontiste. Ensuite, les convaincre que l'insouciance n'est plus de mise face aux dures réalités du monde et qu'il leur faut mettre une sourdine à leurs revendications. Et enfin, faire passer son glissement idéologique pour un pragmatisme de bon aloi. On peut même prêter à Hollande des intentions encore plus machiavéliques. En se lançant dans une concurrence sécuritaire, il escompterait s'attirer les voix de la partie démocrate-centriste de l'électorat de droite, tandis que celle la plus extrême rejoindrait les électeurs du FN. Ce faisant, Hollande parie sur un face à face avec Marine Le Pen au second tout de l'élection présidentielle de 2017, ce qui lui assurerait selon lui sa victoire. Procès d'intention ? En son temps, l'autre François n'avait pas hésité à se succéder à lui même avec une manœuvre politiciennne du même genre.