Le binôme domination - exploitation est un concept central du marxisme. La domination fondatrice du capitalisme est la domination de classe ou domination capital-travail. Il s'agit de l'exploitation-domination d'une classe, celle du prolétariat ou classe ouvrière, par une autre classe, celles des capitalistes. Elle a fini par s'étendre à toutes les catégories de travailleuses et travailleurs : salarié.e.s ou pas, en activité ou pas, et cela dans tous les secteurs d'activité. Cette domination de classe s'entrecroise avec les autres dominations multiséculaires qui lui ont préexisté.
DOMINATION DE CLASSE ET AUTRES DOMINATIONS
On peut énumérer ainsi ces autres dominations : domination humaine sur la nature, domination des hommes sur les femmes ou patriarcat, domination d'humains sur d'autres, ce qui est le propre de l'esclavage et de son substitut le racisme.. Au cours de l'Histoire, leur nature oppressive n'a pas changé, même si leurs formes ont pu évoluer. Prenons l'exemple de la domination d'humains sur d'autres humains : criminelle avec l'esclavage, prédatrice avec la colonisation et les migrations forcées, exclusive avec le racisme. Ces formes peuvent se combiner selon le moment et selon le lieu. Ce fut le cas en Algérie pendant les 130 années (1830-1962) couvrant la conquête de ce pays et la présence française dont les huit années de guerre. En métropole, la société française en porte encore les stigmates avec le racisme anti-arabe et l'islamophobie.
Il en de même avec le patriarcat qui peut se manifester sous des formes plus ou moins virulentes. Si l'on s'en tient à la France, présent dans toute la société, il se traduit dans sa forme extrême par un continuum de violences physiques (de la gifle au féminicide) et/ou sexuelles (harcèlement, agression, viol, prostitution).
1- Toutes les dominations relèvent d'une même logique : des humains exploitent d'autres humains et /ou la nature à des fins lucratives et de pouvoir.
2- La domination de classe ne se substitue pas, mais interagit avec les autres dominations en leur conférant des caractéristiques particulières. Par exemple, avec le capitalisme, la femme est assignée à la reproduction de la force de travail (fonction génitrice) et à son entretien (travail domestique). De même, le racisme ne se traduit pas seulement par la stigmatisation et l'infériorisation de certains groupes sociaux, mais il est instrumentalisé par le pouvoir capitaliste pour accentuer son emprise sur les travailleuses et travailleurs et les diviser.
3- L'éradication de la domination de classe ne s'accompagnera pas automatiquement de la disparition des autres dominations qui lui sont préexistantes, même si leurs formes en seront profondément modifiées.
LES LUTTES ÉMANCIPATRICES
De ces étroites imbrications des dominations, on ne peut qu'en conclure que leur hiérarchisation n'a pas de sens, tout autant que les luttes émancipatrices contre ces dominations. Au premier abord, le texte d'orientation du PCF en prend acte : « Le projet communiste passe par une révolution des relations entre générations, du travail, de la politique, de la culture. C’est pourquoi il n’établit pas de hiérarchie entre les luttes émancipatrices ». Mais il est écrit par ailleurs : « Cependant, à la différence des courants qui se contentent d’une juxtaposition des luttes contre les dominations, il vise à les articuler à la bataille de classe contre l’exploitation, condition pour arracher son pouvoir au capital. »
Qu'est ce que cela peut bien vouloir dire ? Serait-ce que « la bataille de classe », en d'autres termes, la lutte contre la domination du capital, est centrale et que les luttes contre toute autre forme de domination doivent y faire référence ?
La réponse se trouve peut-être dans une tribune de Julia Castanier - membre du Conseil national et de la commission féministe du PCF - publiée dans l'Humanité du 7 avril sous le titre « Engager un féminisme de lutte des classes ». On peut y lire : « Qu’avons-nous donc, nous communistes, à apporter au combat des femmes ? Sans aucun doute le retour aux bases matérielles des rapports sociaux, qui place le travail au cœur des enjeux de classe, de sexe, de genre et d’origine. » C'est l'affirmation de la centralité des inégalités de classe, de sorte que, selon cette tribune : « Bien qu’elle ait le mérite de penser l’ensemble des dominations, l’intersectionnalité est aujourd’hui un obstacle. »
Sur la question des luttes contre le racisme, on trouve dans le texte du congrès des indications qui laissent encore plus perplexe. Il y est affirmé que le « racisme est un rapport social de domination qui profite au patronat ». Cette définition est réductrice. Effectivement, la dimension de classe du racisme profite au patronat, mais il est aussi utilisé par l’État (racisme d’État et/ou institutionnel). Et surtout, il ne faudrait pas oublier la dimension individuelle du racisme renvoyant à des propos et des actes. Toutes ces dimensions interagissent entre elles. Elles doivent toutes être combattues et insuffler des luttes dans lesquelles, selon les cas, elles devront être prises ensemble, et dans d'autres, où l'une ou l'autre dimension pourra être privilégiée.
Dans le texte du congrès, on trouve aussi l'affirmation selon laquelle : « le mouvement antiraciste a subi de graves divisions ». Aucune explication n'est fournie, de sorte que cela jette une suspicion sur tous les mouvements dont le but est de lutter contre le racisme sans préciser nécessairement la dimension à laquelle il est fait référence.
PRIORISATION ET CENTRALITÉ REVENDIQUÉES PAR LE PCF
Dans mon précédent texte (28 avril) portant sur la stratégie du PCF, j'ai montré qu'il priorise ce qu'il désigne par le « monde du travail ». Il le considère comme étant au cœur de l'opposition capital-travail et s'estime en être le porte-parole légitime. Cette centralité lui confère, estime-t-il, un rôle particulier (central?) dans la recherche d'une stratégie visant à « l’émergence d’une alternative de transformation radicale de l’ordre existant ». Selon cette logique, il n'est pas étonnant qu'il privilégie les luttes féministes et antiracistes « articulées à la bataille de classe contre l’exploitation, condition pour arracher son pouvoir au capital. »