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Billet de blog 10 mai 2023

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PCF 2023 : LES CONCEPTIONS DÉPASSÉES DU PASSÉ

A propos des attendus idéologiques du 39e congrès du PCF tels qu'on peut les décrypter dans le texte d'orientation qui en est sorti. Je précise : décrypter, car ce n'est pas évident tant le texte est fragmenté, bourré de redites et de quelques incohérences.

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Le congrès du parti communiste s'est achevé le 10 avril avec le triomphe de Fabien Roussel. C'est ce qu'ont généralement retenu les observateurs et qui a été mis en exergue par les médias. C'est aussi, d'après les informations dont je dispose, ce que la majorité des communistes ont considéré, pour leur plus grande satisfaction. Il y aurait beaucoup à dire de cette sorte d'affection-admiration, voire fascination, qu'exerce un secrétaire national du PCF sur les adhérent.e.s. Le parti communiste a déjà été durement touché par ce type de phénomène. Il y a eu entre 1930 et 1964, Maurice Thorez, objet d'une véritable vénération et, dans une bien moindre mesure, Georges Marchais, entre 1971 et 1994. Pour ce dernier, j'en ai fait l'expérience directe et m'en suis totalement prémunis. Ce phénomène n'est pas un signe encourageant pour le communiste que je suis.

LES ATTENDUS IDÉOLOGIQUE DU TEXTE D'ORIENTATION

Pour l'heure, ce n'est pas sur cette question que je veux intervenir mais sur les attendus idéologiques de ce 39e congrès tels qu'on peut les décrypter dans le texte d'orientation qui en est sorti. Je précise : décrypter, car ce n'est pas évident tant le texte est fragmenté, bourré de redites et de quelques incohérences. De ce texte, il en est ressorti essentiellement sa teneur anti Nupes. Je dis bien :anti Nupes et non dépassement de la Nupes, comme la direction du parti voudrait nous le faire croire. La Nupes est présentée comme une « coalition électorale », (on trouve aussi dans des commentaires communistes sur le congrès le terme de « cartel »). De cette coalition donnée comme conjoncturelle, il est dit que « le défi à relever ne peut se résumer à la participation à la Nupes ». Mais, en réalité, c'est un faux problème. L'aboutissement logique de la démarche qui a été votée très majoritairement fait que cette « participation » ne se posera plus dès lors que la Nupes n'existera plus. Et pour lever toute ambiguïté, il est précisé dans le texte qu'il s'agit « de ne pas figer un cadre d'intervention politique sous domination de LFI » et qu'il « faut trouver un nouveau type d’union et de rassemblement. » Précision supplémentaire très importante, dans cette perspective «  le PCF restant indépendant et identifiable »

Cette exigence, somme toute légitime, d'indépendance et d'identification est formulée pour rétorquer à la prétention un moment envisagée par LFI de transformer la Nupes en un nouveau mouvement politique. LFI n'a pas eu gain de cause et même si elle n'y a pas renoncé cela n'aurait pas empêcher de faire évoluer la Nupes vers un rassemblement politique respectant l'identité de chacune de ses composantes. Aussi, avancer qu'il « ne saurait donc être question de la transformer en un nouveau mouvement politique, ou en une fédération », n'est qu'un prétexte, pour justifier le renoncement du PCF à l'idée même de la Nupes.

UNE STRATÉGIE INFORMULÉE

La question centrale de ce 39e congrès est de vouloir « poser d’une nouvelle manière la question de la stratégie ». Le problème c'est que si la stratégie, disons Nupes pour faire court, ne convient plus, celle qui doit la remplacer n'est pas explicitée. Et, ce ne sont pas les affirmations comme : «  Nous devons travailler à rassembler une majorité populaire autour d’une alternative de transformation sociale et écologique, capable de gouverner et en capacité de mettre en œuvre des réformes heureuses ». Ou : «  le Parti communiste français, par toute son activité autonome, entend travailler à l’émergence de cette majorité qui peut contribuer à ce que le pays change de destin ».ou encore : « travailler à l’essor d’un puissant mouvement populaire et œuvrer à l’émergence d’une alternative de transformation radicale de l’ordre existant », et puis encore : « nous voulons initier une dynamique populaire à même d’unir le monde du travail et de la création, ... » qui pourraient nous éclairer.

Il faut alors se risquer à combler le déficit d'explication de ce texte et voir si d'autres thématiques abordées dans le texte ne peuvent pas nous en dire plus.

Il est frappant que le PCF se donne comme étant le plus à même de mobiliser ce qu'il désigne du terme : le monde du travail. Ce terme revient à de nombreuses reprise  : «  permettre au monde du travail de prendre conscience de sa place et confiance en sa force », « reconquérir les catégories populaires et le monde du travail ». De même, le PCF estime être porteur d'un projet qui serait le plus à même d'assurer « la défense des intérêts du monde du travail. ».

LE « MONDE DU TRAVAIL » : UN TERMINOLOGIE FUMEUSE

Ce terme ne relève pas de la terminologie marxiste, aussi pourrait-on penser qu'il recouvre, a minima, l'ensemble des salariés. Mais au détour d'une phrase, il est question « monde du travail et de la création », semblant établir une distinction entre travail et création. Ailleurs, il est question du « monde du travail » qui « a vocation à devenir la force motrice réunissant l’ensemble des classes et couches disponibles à un combat pour changer la vie... » C'est donc que le « monde du travail » n'est qu'une partie des classes salariées et qu'il a vocation à être une « force motrice », dit autrement : qu'il « est en mesure de fédérer largement autour de lui , et par là « à nouveau en situation de polariser la bataille sociale et politique ».

On a bien lu ! « à nouveau ». C'est le retour de l'ancienne théorie du rôle de la classe ouvrière, partie avancée des classes salariées, classe en soi, seule capable d'entraîner les autres couches sociales dans le combat contre le capitalisme. Elle est constituée des travailleurs et travailleuses des entreprises, lesquelles entreprises sont « au cœur de l'opposition capital - travail ». Conséquemment, le « monde du travail » a un rôle historique, à condition qu'il prenne « conscience de sa place et confiance en sa force ». C'est précisément l'objectif prioritaire que s'est fixé le PCF avec son 39e congrès, et qui le conduit à vouloir se « déployer... notamment dans les entreprises, au cœur de l'opposition ..capital travail »  

Cette priorisation a toute une série de conséquences sur la stratégie de lutte du PCF. L'opposition capital – travail, au fondement du capitalisme, se traduit par un système d'aliénations et de dominations aussi bien des salarié.e.s que du fruit de leur travail. En considérant, j'y reviendrai ultérieurement, que cette domination surplombe toutes les autres dominations, en tout premier lieu, le patriarcat et le racisme, le texte du PCF laisse entendre que les luttes émancipatrices contre toute forme de domination doivent nécessairement s'articuler avec la lutte de classe. Le texte dit qu'«  il n’établit pas de hiérarchie entre les luttes émancipatrices », mais pourtant il fustige « les courants qui se contentent d' une juxtaposition des luttes contre les dominations». Et, en ce qui concerne plus particulièrement la lutte antiraciste, il jette la suspicion sur le mouvement antiraciste dont il dit, sans aucunement le justifier, qu'il «  a subi de graves divisions. »

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