Le corps électoral français, soit l'ensemble des personnes en âge de voter, ne comprend pas seulement les 44,6 millions d'inscrits sur les listes électorales (chiffre INSEE)- parmi lesquels on compterait 6,5 millions de ma-inscrits- mais aussi les non-inscrits qui avoisineraient 3,3 millions soit un peu plus de 7 % du corps électoral. Selon les chercheurs* qui étudient ces deux phénomènes « les profils des non-inscrits montrent une surreprésentation des jeunes, des moins diplômés et des Français d’origine étrangère… », alors qu'au contraire, ce seraient plutôt des jeunes diplômés, changeant fréquemment de lieu de résidence pour des raisons professionnelles, qui viendraient gonfler les rangs des mal-inscrits : « En déménageant, ils ne sont pas passés par la case mairie de leur nouveau lieu de résidence. Parce qu’ils ne savent pas combien de temps ils vont rester, qu’ils ont raté la date de clôture des inscriptions... ». Non-inscrits, qui par définition ne votent pas, et mal-inscrits, qui, pour la plupart, ne se déplacent pour voter, sont très peu pris en compte dans les analyses des résultats d'une élection alors qu'ils sont au total près de 10 millions.
Votes blancs et nuls
Loin de ces phénomènes massifs, il y a celui des électeurs qui votent mais ne choisissent pas. Pour le second tour des Régionales, ils ont été 740 000 à voter blanc (1,63%) et un peu moins de 550 000 (1,21%) à voter nul. Pour Jérémie Moualek, chercheur en sociologie politique à l’Université d’Évry, spécialiste de l'étude de ces votes :« Tout en étant un refus de choisir, le vote blanc et nul est un refus de renoncer à voter. Il s’avère dès lors être un « droit de choisir de ne pas choisir » qui dénote d’une offre politique trop peu différenciée tout comme d’une absence apparente d’alternatives crédibles aux yeux d’électeurs de plus en plus nombreux. »
Les abstentionnistes
Pour les dernières Régionales, l'abstention a été de 50,09 % au premier tour. Cela représente près de 20 millions d'électeurs potentiels. Ce comportement électoral est souvent interprété comme une réaction de mécontentement contre la politique conduite par le couple Hollande-Valls. Du coup, l'abstention pâtirait surtout à la gauche, et particulièrement à la gauche alternative qui aurait dû largement bénéficier des voix de ces électeurs potentiels. Nous avons déjà dit ce qu'il en était dans notre précédent article (voir le TC n°3627). Cette explication n'est pas confirmée par les enquêtes d'opinion qui font apparaître que les abstentionnistes ne voteraient pas très différemment des votants (Enquêtes Ifop en février 2011, puis au lendemain des européennes de 2014). Parfois, ils voteraient un peu plus FN que les non-abstentionnistes, parfois non. Par exemple, à ces Régionales, il y aurait eu moins d’abstentionnistes chez les électeurs du FN, et plus de réserves de voix dans les partis traditionnels (enquête Cevipof et étude Ipsos Steria). Mais globalement, même s'il y a des variations d'une élection sur l'autre, ces enquêtes d'opinion confirment que les résultats des élections régionales n'auraient pas été fondamentalement différents, si les abstentionnistes avaient décidé de voter.
*Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen Professeurs de science politique, auteurs de La Démocratie de l’abstention, Gallimard, Paris, 2014 (1re éd. : 2007).