Le 7 mars, au cours de sa conférence de presse, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, ne cachait pas combien il était affecté par les affaires de viols et violences sexuelles subis par des femmes communistes au sein même de leurs organisations :« la période que nous vivons au PCF est grave » a-t-il déclaré. D'autant plus grave que la direction du PCF alertée depuis plusieurs mois avait cru y faire face en prenant des mesures internes qui n'ont absolument pas répondu à l'appel au secours des victimes. Fabien Roussel devait reconnaître que « malgré ce que nous avons mis en place, nous avons sous-estimé les difficultés de s’exprimer pour ces femmes. Tout cela nous éclate à la figure ». En effet, lorsqu'en décembre 2017 la direction du PCF a pris connaissance d'agressions sexuelles commises dans ses rangs et ceux du mouvement de la JC, elle a estimé que ces actes relevaient d'abord de la justice, conditionnant toute action interne à un dépôt de plainte préalable de la victime, voire même jusqu'à l'éventuelle condamnation des agresseurs mis en cause. De ce point de vue, le livret à destination des militant.e.s publié courant 2017 « violences sexistes et sexuelles tolérance zéro » est révélateur. Il propose « des outils afin d'agir contre toutes les violences faites aux femmes et permettre à chacune et chacun de réagir lorsque l'on se trouve confronté.e à une personne qui en est la victime, membre du Parti ou pas » recommandant de porter plainte, de faire appel à la justice, à des professionnels et à des associations spécialisées. Les mêmes recommandations seront reprises dans un communiqué daté du 28 février 2019.
Elles demandaient au PCF à être entendues et crues
Car ce qui a été gravement sous estimé c'est que la plupart des victimes étaient persuadées que les camarades auprès desquels, surmontant leur prévention, elles s'étaient confiées, prendraient fait et cause pour elles, refusant de tracer un trait d'égalité entre l’agressée et l'agresseur. C'est tout le contraire qui s'est passé. Pour ne pas avoir à trancher, promesse leur avait été faite que l'affaire serait traitée en interne. Mais, pour ne pas avoir à se séparer de, ou tout simplement à nommer, un communiste élu ou dirigeant formellement reconnu comme un prédateur, tous les prétextes ont été invoqués. Il est évident que la réponse ne pouvait être celle donnée dans le communiqué du 28 février : « en cas de plainte auprès du tribunal, les mis en causes seront suspendus de leur fonction et de leur droit dans l’attente de la décision de justice et exclu en cas de condamnation ». C'est avant que plainte ne soit déposée que le PCF avait obligation de prendre des mesures de protection des victimes et de retirer, ne serait ce qu'à titre conservatoire, les responsabilités des agresseurs.
Impasse sur les avancées théoriques du PCF
Comment le PCF a-t-il pu à ce point sous estimer la gravité de ce qu'il se passait dans ses rangs alors qu'il avait adopté à son 38ème congrès de novembre 2018 un texte dans lequel il est fait référence à la « double domination capitaliste et patriarcale » que les femmes subissent, au fait que « l'oppression des femmes (…) est spécifique, car elle est à la fois le produit de la société de classes, mais aussi de la famille et de la société patriarcale. Le patriarcat, c’est-à-dire le système social de domination des hommes sur les femmes, a précédé le capitalisme. Ce sont deux systèmes qui se nourrissent mutuellement sans jamais se confondre. » Comment après avoir énoncé ces analyses le PCF n'a pas réalisé ce que des adhérentes ayant subies des violences sexuelles attendaient de leur parti ?
Les faits incriminés ne dataient pas d'hier
Car les actes de violence ne datent pas d'hier. Dans le Monde du 9 mars 2019 (Enquête sur des accusations d’agressions sexuelles au sein des Jeunesses communistes), le quotidien rappelle qu'il y a déjà un an il avait recueilli dans son édition du 6 janvier 2018 (Violences sexuelles au sein des Jeunesses communistes : la parole se libère) les témoignages d'agressions sexuelles. Des faits qui s'étaient déroulés quelques années avant et qui relatés auprès des instance dirigeantes de la JC furent sans effet. Le scénario s'est répété plusieurs fois aussi bien pour des membres de la MJC que du PCF. Jusqu'à ce que de guerre lasse quelques unes des victimes décident de mettre les pieds dans le plat en s'adressant aux médias. En interne, les accusations n'ont pas dû manquer pour avoir recouru aux médias « bourgeois ». On imagine ce qu'il a fallu de déception et d'exaspération pour en arriver là. Il y a eu aussi l'esclandre provoqué par plusieurs dizaines d'adhérent.e.s de la jeunesse communiste à leur congrès de janvier 2019.
Le PCF fait amende honorable
La direction du PCF a enfin pris la mesure de la gravité de ces affaires. Dans une déclaration datée du 8 mars Fabien Roussel a reconnu les manquements de son organisation et a enfin prononcé les mots qui convenaient « Je prends en compte leur témoignage, je les entends et, surtout, je les crois ». Trois mots décisifs « Je les crois », c'est ce que les victimes attendaient depuis longtemps. Et d'annoncer que « Plusieurs suspensions et mises à l'écart d’agresseurs, sur la base de témoignages et pour certains de dépôt de plainte, sont prononcées ». Dans le communiqué du 4 mars il avait déjà été précisé que le livret a destination des militant.e.s « sera réactualisé ». Ce sont de tout autre dispositions que celles préconisées jusque là. Il était temps. Il en allait de la crédibilité de sa proclamation « Violences sexistes et sexuelles, Tolérance zéro ! ».
Roger Hillel, 13 mars 2019