hillel roger (avatar)

hillel roger

Professeur d'université à la retraite

Abonné·e de Mediapart

145 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 février 2016

hillel roger (avatar)

hillel roger

Professeur d'université à la retraite

Abonné·e de Mediapart

Protection ou perversion de la nation ? (par Roger Hillel)

Révision de la Constitution. Le projet de loi constitutionnelle dit de « protection de la nation » a été adopté par 3/5e des députés. Il sera soumis aux sénateurs puis au Congrès (député + sénateurs). Entre temps, l'état d'urgence aura été prolongé jusqu'au 26 mai.

hillel roger (avatar)

hillel roger

Professeur d'université à la retraite

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mercredi 10 février, l'Assemblé nationale a finalement voté le projet de loi constitutionnelle dit de « protection de la nation » comprenant deux articles, l'un sur l'état d'urgence et l'autre sur la déchéance de nationalité. Au cours des séance précédentes, les votes séparés sur chacun de ces articles, particulièrement sur le second, laissaient présager que l'ensemble du texte ne serait voté qu'à une courte majorité. Mais, grâce à des revirements obtenus par des manœuvres douteuses des proches du couple Hollande-Valls, c'est finalement avec 317 voix pour, 199 contre et 51 abstentions, que le Premier ministre a arraché, à six voix près, les 3/5e des 516 suffrages exprimés. C'était la barre à franchir lorsque le texte sera soumis au Congrès. Pour autant, les députés de la majorité ne se sont pas tous inclinés : 175 pour, 88 contre et 39 abstentions. Les députés de droite (Républicains + UDI) se sont clivés: 136 pour, 78 contre, 9 abstentions. La majorité des Verts a voté contre (13 sur 18). Les 12 députés Front de gauche ont voté contre (1 abstention). Le texte adopté en première lecture ne viendra devant le sénat qu'à la mi mars. Puis, il sera soumis au Congrès (députés + sénateurs). Jusque là, on peut encore s'attendre à des surprises, aussi bien du côté socialiste que du côté de la droite.

L'état d'urgence devait être prolongé jusqu'au 26 mai

Sur la déchéance de la nationalité, les socialistes se sont déchirés. Cela va-t-il laisser des traces ? Certainement pas au point de les voir s'opposer à la prorogation de l'état d'urgence que l'exécutif veut faire appliquer jusqu'au 24 mai. Il avait tout prévu en faisant voter le 9 février, à l'unanimité des sénateurs socialistes et de ceux de droite - communistes et écologistes ont tous voté contre -, un projet de loi de prorogation de l'état d'urgence, qui sera présenté le 16 février aux députés. Nul doute que l'on retrouvera les socialistes, tout de même un peu plus récalcitrants que leurs collègues sénateurs, et ceux de droite, la main dans la main pour adopter le projet de loi. Il en aura fallu des contorsions politiques et juridiques pour en arriver là. Entre temps, il n'est pas impossible que la Constitution soit révisée sanctuarisant l'état d'urgence.

Ces péripéties confirment que l'acharnement de la garde rapprochée de Hollande à constitutionnaliser des mesures chères à la droite a d'autres objectifs que « la protection de la nation ». Nous avons assez montré que la France disposait d'un arsenal judiciaire, policier et administratif suffisamment pléthorique pour lutter contre les risques terroristes. La manœuvre est grossière : le petit père de la République veut imposer sa figure tutélaire à la présidentielle de 2017. S'il y réussit, ce sera au prix d'une perversion de la nation.

Roger Hillel

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.