Les députés européens réunis en séance plénière le 14 avril à Strasbourg ont adopté par 503 pour, 131 contre et 18 abstentions la directive sur le « secret des affaires ». Sans surprise les députés du Groupe de la Gauche Unitaire Européenne-Gauche Verte Nordique (GUE-GVN), de même que les Verts ont voté contre. A quelques exceptions près, les députés conservateurs, libéraux et socialistes, dont les français, ont voté pour, de même, ce qui n'est pas sans signification, le groupe du FN et alliés. Dans un communiqué alambiqué les eurodéputés socialistes français ont justifié leur vote positif en déclarant avoir « œuvré à la réécriture de ce texte pour qu’il protège la liberté d’informer, les journalistes et leurs sources, tout en défendant l’emploi, l’industrie et l’innovation en Europe ».
Le principe du secret aux dépens du droit à l’information
Or, l'examen de la directive montre que ce seront in fine les entreprises qui décideront quelles informations relèveront ou pas du secret. Comme s'en est insurgée la coalition européenne d’ONG, de syndicalistes et de journalistes qui a mené la bataille contre ce projet « La directive permet aux entreprises de poursuivre tous ceux, journalistes, syndicalistes, lanceurs d’alertes ou salariés utilisant leurs informations acquises sur leur lieu de travail, qui révéleraient un secret d’affaire… La charge de la preuve est inversée : Les entreprises devront seulement prouver qu’elles n’ont pas autorisé l’obtention, l’usage ou la publication du secret d’affaire concerné tandis que les citoyens devront démontrer au juge qu’ils ont agi de façon compatible avec une des exceptions prévues. La simple perspective des poursuites sera une intimidation permanente pour tous les enquêteurs ou lanceurs d’alerte potentiels... »
La bataille de la traduction de la directive dans les législations nationales
Avec cette directive, il deviendra très difficile de mettre au jour des informations gardées secrètes dans le secteur de la finance et de la fraude fiscale, comme ce fut le cas dans plusieurs affaires récentes impliquant des banques et des sociétés offshores : banque suisse USB, filiale suisse de la banque HSBC, Luxembourg Leaks, Panama Papers… en attendant les prochaines affaires. En adoptant cette directive, la majorité des députés européens a délibérément opté pour que des scandales de cette sorte ne soient plus révélés. Mais, la messe n'est pas encore dite, car la directive devra être traduite d'ici deux ans, dans les législations nationales des 28 pays européens. Or, en France, lorsque début 2015 le gouvernement projetait d'introduire dans la loi Macron des dispositions proches de celles de la directive européenne, la levée de bouclier a été telle qu'il a dû y renoncer. La bataille n'est pas encore terminée.
Roger Hillel