L'interdiction des coupures d'eau par le fournisseur, même en cas d'impayés des factures, a été introduite dans la loi Brottes adoptée le 15 avril 2013 (décret d’application du 27 février 2014). Côté fournisseur la levée de bouclier a été immédiate. Et, lorsque deux ans plus tard, la loi dite de « transition énergétique pour la croissance verte » est venue en discussion, sénateurs et députés de droite ont tenté, en vain, de faire retirer cette interdiction. Mais, le législateur les a tout de même gratifiés d'une concession de taille en introduisant dans loi adoptée le 17 août 2015 « la possibilité (pour les fournisseurs d'eau) de procéder à une réduction de l'eau ».
Les distributeurs, en particulier les plus gros tels Véolia, la Saure, la Lyonnaise des eaux, s'engouffrèrent dans la brèche. La « possibilité » devint systématique, d'autant que pour obstruer mécaniquement une canalisation, il suffit d'insérer une rondelle trouée à la sortie du compteur. Le débit est alors réduit à un simple filet d'eau, et dans ces conditions, les logements situés en étage sont privés d'eau et au rez-de-chaussée les douches et les chasses d'eau ne sont plus utilisables.
En définitive, réduire le débit revient quasiment à une coupure d'alimentation. Cette éventualité avait totalement échappée au Conseil constitutionnel qui, par sa décision du 29 mai 2015, avait confirmé l'interdiction des coupures d'eau au-delà de la trêve hivernale, alors que c'est le cas pour les coupures de gaz et d'électricité.
Il aura fallu que des prestataires, aidés par des associations, notamment France et Libertés, saisissent les tribunaux pour qu'ils se prononcent contre la réduction du débit de l'eau. Le 6 janvier 2016, le tribunal d'instance de Limoges a condamné la société Saur à « restaurer le débit normal et à plein volume de distribution d'eau » dans une résidence principale. Le 15 janvier 2016, le tribunal d'instance de Puteaux (Hauts-de-Seine) a condamné le groupe Veolia à rétablir « le débit normal » d'un foyer. D'autres procès sont en cours. Il est probable que, fort de ces résultats, les associations de consommateurs vont se sentir légitimées dans la défense des prestataires victimes de coupures d'eau et maintenant de réduction du débit. Cela devrait aussi les conforter dans leurs actions contre les coupures des autres fluides.