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Billet de blog 19 décembre 2022

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Projet d'orientation du PCF : Une vision étatiste du communisme

Il est significatif que le communisme tel qu'envisagé par le projet de base commune (PCB) accorde à l'État un rôle central, voire exclusif.

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C'est ce que j'appelle une vision étatiste d'un communisme qui en aurait le nom mais pas l'authenticité. Cette vision étatiste explique que sont absents du texte, au moins deux conditions préalables pour commencer à concevoir un communisme réel : la notion du « déjà-là de communisme » et l'affirmation que le communisme n'a jamais existé.

En ce qui concerne cette deuxième affirmation, le texte se réclame de « l'expérience historique qui a soulevé dans le monde un immense espoir » » celle issue de la révolution bolchevique de 1917. Certes il est précisé « dans tous ses aspects contradictoires ». Mais, en disant cela, c'est laisser entendre qu'il y aurait eu, un tant soit peu, du communisme dans cette expérience. Or, de quelque façon qu'on l'examine, cette expérience a été un échec pour avoir conçu un chemin vers le communisme en théorisant le passage par une première étape, « le socialisme ». Première étape marquée par le volontarisme et la contrainte, débouchant sur des mesures répressives et criminelles qui se sont prolongées bien au-delà de la période stalinienne, contrairement à ce que semble suggérer le texte. Toute cette expérience s'est fondée sur le rôle central et unique de l'État, administrant toute la vie économique avec des méthodes autoritaires et bureaucratiques. La fin de ce système était inscrite dans sa conception originelle, aussi, n'a-t-il pas fallu beaucoup de « pression des puissances capitalistes » pour qu'il s'effondre.

Cette question de la place de l'État est décisive. De ce point de vue, comment se positionne le projet de bas commune ? Le texte se rapporte exclusivement aux analyses de la commission économique du Parti, qui a théorisé dans les années 60, sous l'impulsion de Paul Boccara, la place prééminente qui est dévolue à l'État. Il est révélateur que dans son intervention au dernier CN, Frédéric Boccara parle d'un « État fort pour qui ? Le capital ou les êtres humains et les services publics ?  ».

Autant il est légitime de vouloir conforter et étendre les services publics, autant il est contestable de ne jurer que par eux. Dans le texte, les services publics sont revendiqués pour tous les secteurs : écologie, santé, recherche, emploi et formation, accompagnés de pôles publics (de l'énergie, de la santé), de conférences territoriales et nationales. Surgit même, la proposition des « communs par les services publics », comme s'il n'existait pas déjà des communs hors de la sphère étatique qui, ici et maintenant, ont déjà fait leur preuve. C'est le cas avec de nombreuses réalisations de l'économie sociale et solidaire à laquelle le texte se contente d'un simple coup de chapeau (« Nous soutenons les entreprises citoyennes de l’économie sociale et solidaire, notamment à travers les initiatives coopératives »), en ignorant la valeur d'exemple dont elles peuvent être porteuses dans la perspective d'une société communiste. Ce sont dans bien des cas, de par leur mode de gestion et de développement, des « déjà-là de communisme ».

Comme il fallait s'y attendre, le texte ne fait aucunement référence à la proposition de « salaire à vie » de Bernard Friot et aux travaux du «  réseau Salariat » sur la sécurité sociale de l'alimentation, de l'énergie … Ce que Friot et son réseau revendiquent, c'est l'extension de la portée révolutionnaire de la sécurité sociale de 1946 et du statut de la fonction publique de 1947 qualifiés de « déjà-là de communisme ». C'est un tout autre sens que celui que leur donne le PCB, les définissant très classiquement comme des « avancées institutionnelles du lendemain de la 2e guerre mondiale » considérées, toutefois, comme « un progrès vers du communisme ».

Le PCB peut bien se prévaloir de d'anthroponomie, concept complexe qui fut cher à Paul Boccara, le texte n'en reste pas moins d'un autre temps.

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