Un « manifeste contre le nouvel antisémitisme »signé par près de trois cents personnalités, dresse le tableau d’une France devenue « le théâtre d’un antisémitisme meurtrier » et estime qu’une « épuration ethnique à bas bruit » est en cours dans notre pays. Il suffirait de citer quelques uns de ses signataires comme Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Laurent Wauquiez, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Pascal Brucker et Élisabeth Badinter, pour lui dénier toute légitimité. Mais l'affaire est trop grave pour s'en tenir là, car cet appel est publié dans un contexte inquiétant et procède à un double amalgame inadmissible.
Premier amalgame : Islam=antisémitisme
Il est publié alors que l'on assiste à une recrudescence d'actes violents pouvant aller jusqu'à donner la mort, contre des Français de confession juive ou supposés tels. Ces actes condamnables, quelles que soient les motivations des auteurs (haine anti juive, motifs crapuleux, dérèglement mental) sont en augmentation de 26% depuis 2014, selon le 27e rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Et, même si le rapport note que l’ensemble des actes antisémites est en recul de 7% pour la même période, le constat ne saurait être pris à la légère. Si le « manifeste contre le nouvel antisémitisme » avait voulu tirer la sonnette d'alarme, on s'en serait félicité. Mais l'objectif de ses auteurs est tout à fait autre. Il s'agit d'une mise en cause généralisée et exclusive de l’islam dans un texte qui se refuse à distinguer les courants islamistes radicaux de l’immense majorité des citoyens de confession musulmane. Tout leur est bon pour crédibiliser cette thèse. Par exemple en manipulant des chiffres issus du ministère de l'Intérieur pour d'asséner que « les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans ».
Deuxième amalgame : antisionisme = antisémitisme
Voilà pour le premier amalgame. Il est odieux. Un deuxième parcourt ce texte de bout en bout qui assimile l'antisémitisme contemporain à l'antisionisme dont serait porteuse « une partie de la gauche radicale ». Cet amalgame est infâme. En réalité, les signataires de ce manifeste ne supportent pas que d'authentiques antiracistes et anticolonialistes dénoncent la politique meurtrière d'Israël niant les droits des Palestiniens, jusqu'à les massacrer à Gaza et les jeter en prison en Cisjordanie.
Au total, ce « manifeste contre un nouvel antisémitisme » relève d'une forme de racisme au sens où il essentialise des ensemble de citoyens, autour d’une origine, d’une religion ou d’une idéologie supposée homogène. Pour des motifs identitaires et politiciens, il choisit les victimes et désigne les présumés coupables.
