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Billet de blog 6 juin 2012

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Le cannabis n’a rien à voir avec la sécurité

En suite à mon billet d’hier appelant François Hollande à faire comme en Hollande, je reviens sur la position du ministre de l’intérieur Manuel Valls. Celui-ci s’oppose à la dépénalisation du cannabis pour des raisons de sécurité. Selon ses propos la gauche française est assez critiquée pour son laxisme en la matière ou son refus d’assumer ses responsabilités, et tout changement de doctrine sur le cannabis serait perçu comme un retour aux vieux démons.

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En suite à mon billet d’hier appelant François Hollande à faire comme en Hollande, je reviens sur la position du ministre de l’intérieur Manuel Valls. Celui-ci s’oppose à la dépénalisation du cannabis pour des raisons de sécurité. Selon ses propos la gauche française est assez critiquée pour son laxisme en la matière ou son refus d’assumer ses responsabilités, et tout changement de doctrine sur le cannabis serait perçu comme un retour aux vieux démons.

Prenons acte que la gauche parle enfin de sécurité. La sécurité n’est pas, ne devrait pas être un thème de droite. C’est une priorité nationale. L’Etat doit veiller au respect des lois qu’il édicte et qui sont faites pour le bien-être des citoyens.

La sécurité est une condition de la liberté des citoyens. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté à ce sujet.

Mais en quoi la consommation d’herbe récréative serait-elle une atteinte à la sécurité?

Les fumeurs ne sont pas spécialement des voleurs. Ils n’ont pas de dépendance physique au produit et ne sont pas en stress pour s’en procurer. S’ils n’en ont pas ils peuvent s’en passer sans problème. Pour la même raison ils ne sont pas particulièrement les auteurs de braquages et autres agressions. Ce n’est donc pas une population particulièrement à risque dans ces domaines.

Sur la santé, le joint récréatif n’est pas la pire des substances. On sait même que le cannabis est un remède par exemple contre certaines douleurs, contre l’inappétence liées aux chimiothérapies anticancéreuses ou aux thérapies contre le Sida. Dans le passé j’ai eu l’occasion de le prescrire également pour des personnes atteintes de fibromyalgies pour lesquelles les thérapies officielles ne donnaient aucun résultat. J'assume en pleine conscience d'avoir aidé des personnes qui souffraient. J’ai vu ces personnes littéralement revivre. Et ce n’étaient pas des ado déjantés ou des flemmards. C’étaient des adultes, qui bossaient tous les jours, ou des mamy prisonnières de la maladie que l’on aurait plus vu boire une camomille que du cannabis. Des gens «normaux» pour employer un terme à la mode.

Je me souviens également d’une jeune femme atteinte d’une maladie dégénérative avant ses 30 ans. Mariée, elle souhaitait avoir des enfants, mais c’était matériellement impossible dans l’état de ses capacités physiques. Elle m’était envoyée par un médecin français qui connaissait les bienfaits du cannabis mais n’osait le prescrire. Le traitement à base de tisane de cannabis a changé sa vie. Elle a pu déterminer elle-même la dose qui lui était utile sans passer par l’effet récréatif. Je reçois régulièrement de ses nouvelles: elle est aujourd’hui mère de deux magnifiques enfants!

On ne peut non plus passer sous silence l’apport du cannabis dans la créativité artistique moderne. Il favorise l’imagination et les associations d’idées.


Cela dit, l’abus du cannabis a un effet néfaste sur la mémoire. Le cerveau fixe moins les événements. Il peut aussi diminuer la motivation à agir. Mais il s’agit là d’usage abusif. L’abus d’alcool pose aussi des problèmes, et bien plus graves. D’où la nécessité de politiques de prévention et de soins, et non de répression. Politiques qui pourraient être financées par les revenus engendrés par la légalisation et la création d’une régie d’Etat pour contrôler la qualité et la vente. Le pragmatisme social et le réalisme politique devraient pousser les politiciens dans ce sens. Malheureusement on a encore affaire à des élus qui n’y connaissent rien, qui ont peur et qui n’osent pas braver le conformisme social.

La seule vraie question de sécurité est celle liée en particulier aux accidents de la route. Comme l’alcool, le cannabis ralentit les réflexes et l’appréciation des situations routières objectives. Comme pour l’alcool la surveillance et la répression doivent être sévères. Quant aux mineurs, comme pour l’alcool, la consommation nécessite une prévention réelle et des limites claires. A ce sujet je m’étonne que l’on ne s’offusque pas plus des défonces alcoolisées graves auxquelles s’adonnent nombre d’adolescents, dont les effets peuvent être extrêmement graves, alors que l’on continue à pousser des cris d’oies effarouchées dès que l’on prononce le mot cannabis.

Comme je le rappelais la prohibition du cannabis est un échec total. L’interdiction n’est qu’une manière de faire l’autruche et de se donner bonne conscience. La doctrine des socialistes français est décalée du réel. Ils se rattrapent d’années de laxisme en matière de sécurité mais ce n’est pas le bon sujet pour tenter d’effacer ses mauvaises notes.

Le rapport de 2011 (disponible ici) de la commission internationale sur la drogue affirmait que la prohibition est un échec. Ce rapport fait le constat que la consommation de drogues a augmenté dans les pays où la législation est très répressive, et diminué là où l’approche est plus tolérante.

A part le risque d'accidents le cannabis n’a rien à voir avec la sécurité au sens où on l'entend: prévention ou répression du crime. Sauf quand il est prohibé et aux mains de trafiquants peu scrupuleux. Et cela, c’est la prohibition, doctrine rigide, coûteuse et inefficace, qui le favorise. La prohibition est donc un problème directement lié à la sécurité.

Je rappelle enfin que l’Etat n’a pas à jouer le rôle de parent directif et punitif sur des citoyens infantilisés. En système libéral ceux-ci sont libres de consommer ce qu’ils veulent comme des grandes personnes: alcool, cannabis, crêpes au Grand-Marnier, desserts trop sucrés, aliments bourrés de gras, etc. Le rôle de l’Etat n’est pas de diriger la vie des gens mais de poser des cadres, d’assurer la liberté et la sécurité et d’empêcher le crime.

Pour le reste, qu’on laisse donc les gens agir en adultes libres de leurs choix.

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