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Billet de blog 9 juin 2012

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Neutrinos: la révolution attendra

Il n’y aura pas de révolution en physique. Pas sur cette question. Les mesures ont été faites et refaites jusqu’à ces derniers jours et cette fois c’est définitif: les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière. L’hypothèse avait été avancée en septembre dernier par le physicien responsable du projet Opera au Cern, monsieur Ereditato.

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Il n’y aura pas de révolution en physique. Pas sur cette question. Les mesures ont été faites et refaites jusqu’à ces derniers jours et cette fois c’est définitif: les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière. L’hypothèse avait été avancée en septembre dernier par le physicien responsable du projet Opera au Cern, monsieur Ereditato.

Le monde était alors entré en ébullition. Le monde des scientifiques et celui des amateurs passionnés des choses de la Terre et de l’univers. Si les neutrinos allaient plus vite que la lumière la théorie d’Einstein tombait de haut. Le monde ne serait plus ce qu’il est. Nous ne serions même plus sûrs que c’est bien notre image que renvoie le miroir quand nous nous rasons ou mettons du mascara. Les quelques petites certitudes que les chercheurs élaborent patiemment n’avaient plus de fondement, tout devenait possible, même les rêves les plus fous de voyage dans le temps et l’espace lointain.

La nouvelle avait alimenté de brillantes controverses et de nombreuses spéculations. Mais un bémol avait accompagné cette annonce: il fallait faire et refaire encore les mesures pour bien valider l’information. Les scientifiques ont ceci de formidable qu’ils ne fonctionnent pas à la croyance mais à l’expérience répétée. Ce qui ne se vérifie pas dans la répétition n’a pas de réalité.

Enfin oui et non. Nombre de connaissances ont d’abord été démontrées mathématiquement avant d’être vérifiées physiquement. C’est le cas de la relativité générale d’Einstein. La vérification s’est faite longtemps après, quand les instruments technologiques ont été capables de constater certains des effets prévus par la théorie. On peut ici admirer sans réserve des sciences aussi abstraites que les mathématiques et la physique, qui exposent des mécanismes de la matière et de l’univers uniquement par le raisonnement et le calcul. Ces sciences révèlent la formidable logique de la matière et de ses interactions.

On a reproché au physicien d’avoir annoncé cette hypothèse trop rapidement. Plus vite que la lumière, même! Le reproche est certes justifié du point de vue de la déontologie scientique. Le physicien a divisé ses collègues au point où il a finalement démissionné de son poste en mars dernier.

En Italie, les mauvaises langue le surnomment le «physicien du flop». Je ne suis pas certain qu’il mérite cette indignité. Il avait lui-même émis des réserves et demandé à ce que d’autres laboratoires de recherche refassent les mesures. Il aurait peut-être dû faire l’annonce plus discrètement. Peut-être cherchait-il son quart d’heure de célébrité. N’empêche, il a secoué les puces du monde et fait discuter sec un peu partout. Un joli coup d’adrénaline intellectuelle et conceptuelle!

Donc le monde que nous connaissons reste le même. Pour un moment faut-il ajouter, car nous ne savons pas quel sera l’avancement des connaissances dans 100 ou 1‘000 ans. Mais en l’état de nos connaissances les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière. Ce qui est d’abord passé pour une vitesse supérieure n’était que la conséquence d’un branchement défectueux! Mille tonnerres! Quelle déception! Etre ainsi au bord de «la» découverte du siècle et se faire moucher pour une affaire de quincaillerie... Les rêves les plus fous s’aplatissaient sur le mur de l’implacable dureté du réel.

Mais les poètes sont toujours là. Eux n’ont pas besoin de vérifications. Leurs images nourrissent notre part de rêve. Si donc les scientifiques ont remis les idées en place, il reste toujours la poésie pour réinventer le monde et la perception que nous en avons. Dans le découplage entre la science et la poésie il y a la vie qui danse dans le vent comme un vol de papillons.

Et puis, sommes-nous bien sûrs que c’est bien notre image que le miroir nous renvoie quand nous nous rasons ou mettons du mascara?



Images: 1. Geniorama. 2. Papillon monarque

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