«Ne vous fiez pas aux inconnus!» disaient nos parents. Pourtant avec internet on dévoile sa vie à des tonnes de paires d’yeux anonymes qui ne sont pas toutes là pour chanter des psaumes. Selon le type de débat ce n’est pas grave. Le risque est que l’on vous sorte des années après des déclarations sur lesquelles vous avez déjà évolué et qui sont sorties de leur contexte. Du classique.

Mais cela peut être compromettant. Un ordinateur n’est pas une simple machine. Une webcam n’est pas seulement une de lentille qui capte des pixels. Ils sont vivants. Enfin presque: il y a quelqu’un dedans. Ou plutôt derrière. Surtout quand la webcam est allumée et que vous tchatez.
Un adolescent de 17 ans vient d’en faire l’expérience. Il habite Montbéliard, sous-préfecture du Doubs à une encablure du Jura suisse. Cette ville de 27’000 habitants est connue entra autres pour abriter le FC Sochaux. Son Pavillon des sciences propose jusqu’en septembre une exposition sur les illusions sensorielles et une autre, interactive, l’Île aux machines, où les enfants de 3 à 6 ans peuvent comprendre et utiliser différents systèmes de base de la mécanique: l’engrenage, la poulie, la crémaillère, le cabestan, etc.
Donc l’ado de 17 ans est à son ordinateur et cherche un tchat. Il clavarde avec une femme d’une trentaine d’année qui lui propose d’allumer la webcam pour se voir. Puis elle lui propose un «plan cam», soit une sorte de gâterie à distance, et lui demande de se masturber devant l’écran. Le regard de la dame est supposé remplacer sa main, ou plus. Le garçon baisse son pantalon et s’exécute - si j’ose dire, car il y a paraît-il des exécutions plus désagréables que celle-là.
Mais voilà: la dame a enregistré les images, visage compris, et menace de poster la séquence sur le net s’il ne paie pas 4‘000 euros. A verser du côté de la Côte d’Ivoire.

L’ado refuse. Et la vidéo est diffusée. Très rapidement il parle à ses parents, qui parviennent à contacter le site et à faire cesser la diffusion. J’imagine qu’il n’a pas dû se sentir fier. Avouer une masturbation fait partie d’une intimité dont peu de gens aiment parler ouvertement - et encore moins à ses parents. Il y a deux siècles elle était considérée comme une maladie grave par la médecine. Si de nombreuses personnes la pratiquent, ne serait-ce qu’occasionnellement, peu en parlent. Affaire privée. Mais il n’est pas rare que des couples constitués ou anonymes s’y livrent par écran interposé. Google recense 128 millions de pages sur les mots «masturbation webcam».
Les parents ont depuis porté plainte contre X auprès de la police de Montbéliard. Y a-t-il eu d’autres victimes, qui elles auraient payé le chantage? On l’ignore.
Cette mésaventure devrait faire réfléchir les internautes: la bienveillance n’est pas un automatisme chez les humains en général, ni chez les anonymes en particulier. On peut rêver et faire confiance aveuglément. Mais les illusions, ça trompe énormément.