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Billet de blog 13 mai 2010

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Répartition droite-gauche en politique: du corps au décor

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Je suis souvent mal à l’aise quand il faut politiquement soutenir une thèse économique contre une thèse sociale ou vice-versa. Pourtant c’est souvent là que se trouve la ligne de démarcation entre la droite et la gauche, avec quelques variantes.

La gauche représente en général - et en principe - le souci du collectif, de la répartition, de la régulation des appétits, la primauté de l’Etat sur la libre entreprise, le contrôle sur les activités humaines, la justice.
La droite représente en principe le développement de l’entreprise individuelle, la prospérité économique, la loi du plus fort, l’expression des appétits, la primauté du contrat privé sur l’Etat, l’audace, la liberté individuelle.
La crise actuelle exacerbe les positions des uns et des autres. La gauche vitupère sur les excès du capitalisme financier et des oligarchies, la droite peste contre les interventionnismes qui fausseraient le jeu économique. Chacun voudrait appliquer ses vues à l’ensemble de la société. Ce qui pouvait faire consensus en période de haute conjoncture devient objet de conflit en temps de crise.
La lutte idéologique et politique entre la droite et la gauche, qui marque la vie publique de la plupart des démocraties représentatives, est à la fois hélas et heureusement nécessaire. Hélas car les clivages gauche-droite ne devraient pas envahir l’ensemble de la société humaine. Heureusement car l’un et l’autre se tempèrent mutuellement.
On peut diviser la société en trois pôles ou champs distincts mais interactifs: le champ de l’humain, celui du travail et celui de l’Etat.
L’humain regroupe tout ce qui a trait à l’être au bien-être, aux relations (personnelles, familiales, professionnelles), au social, au soin, au culturel, au philosophique, au sens. Il est de toute évidence indispensable au bon fonctionnement de la société humaine. Il produit ce dont nous avons besoin moralement pour vivre.

Le travail réunit les composants de la survie et de la vie de l’espèce: pouvoir se nourrir, avoir un toit, être protégé du danger (famine, guerre, catastrophes). Ce champ est tout aussi indispensable que le précédent. Le travail produit ce dont nous avons besoin matériellement pour vivre, c’est le «bien-avoir». Il est donc fondamental.
De ces deux champs, le travail prime chronologiquement. La prospérité matérielle c’est la prospérité du corps. Le social s’ancre dans le corps, il est un prolongement du corps, une sorte de décor mental, d’environnement qui donne sens au corps, mais il n’est pas le pain dont le corps a besoin. Sans le pain, donc sans le corps physique, la culture ne peut émerger. Il ne s’agit pas ici d’une hiérarchie de valeur où le travail serait plus important que l’humain, mais uniquement d’une différence chronologique. Manger d’abord, organiser sa maison ensuite.
Ces deux champs interagissent. Produire de la prospérité matérielle suppose une organisation des relations: horaires de travail, contrat et définition des tâches, formation, etc. Cela appartient à l’humain. L’humain pose des cadres horaires, d’âge, de fin de contrat et autres (grossesse p. e.) alors que le travail est capable d’utiliser des enfants et de licencier sans indemnité là où l’humain n’est pas assez développé.
Qui dit interaction dit règles du jeu, concertation, médiation, arbitrage: c’est le rôle des institutions représentées globalement par le troisième champ: l’Etat. Celui-ci ne devrait théoriquement être ni de gauche ni de droite. Toute appartenance de l’Etat à un champ plus qu’à l’autre est de nature à provoquer des déséquilibres dans la communauté humaine. Dans les faits, la démocratie représentative prête temporairement l’Etat à ceux pour qui le peuple vote. Les alternances gauche-droite corrigent le risque d’abus d’un champ sur l’autre. Et l’on ose espérer que les élus ont une vision du monde assez large pour ne pas faire des institutions leur chasse gardée.
Malheureusement ce n’est de loin pas toujours le cas. On voit assez de magistrats engager des collaborateurs par copinage politique, personnel ou de genre. Pour éviter ce que je considère comme des dérives népotiques, les démocraties devraient disposer de médiateurs mandatés pour réaliser des audits sur les responsables politiques suspectés de ce genre de pratique. On ne devrait pas attendre que des fautes graves soient commises et aboutissent devant les tribunaux. Il faut agir plus vite. Je le dis depuis longtemps et je le redis: un service d’ombudsman, avec des pouvoirs à définir, est nécessaire à la démocratie. Pour cela fait partie d’un libéralisme, soit d’une liberté. Au 19e siècle en France et aujourd’hui aux USA, être libéral c’était et c’est être de gauche! Comment ce mot a-t-il pu à ce point changer de sens dans la bouche et dans l’esprit de ceux qui l’ont utilisé les premiers et lui ont donné ses lettres de noblesse? Gauche et droite est une vue en deux dimension à partir d’un point de vue unique. Difficile de m’en contenter quand je cherche au minimum trois dimensions et un point de vue mobile.
De plus je me moque des étiquettes et des tiroirs, genre gauche ou droite. Je veux me sentir libre de toute appartenance obligatoire et définitive. Je trouve que la lutte politique entre les deux champs est parfois excessive, car les deux remplissent une fonction, mais pas dans le même champ. Un sociologue de gauche ne peut se substituer à un économiste de droite pour gérer la production de richesses matérielles. Tout au plus peut-il proposer de cadrer certaines productions en terme de santé publique, d’environnement, et pousser à tenir compte d’une répartition des richesses produites pas trop inégales afin de préserver la cohésion sociale. Laquelle cohésion est indispensable autant à l’entreprise qu’aux relations humaines.
De même l’économiste de droite ne peut se substituer au sociologue de gauche pour gérer les relations humaines. On ne doit pas attendre de l’entreprise de faire du social. De l’artisan ou du paysan à la multinationale, elle doit faire des biens et de l’argent. A l’Etat de se placer au-dessus et de mettre en place les règles et mécanismes qui permettent à la société de préserver son équilibre.
Quand l’Etat est une dictature, de gauche ou de droite, c’est le travail qui est prioritaire. Les anciens pays communistes ont privilégié la planification de la production sur la créativité culturelle. Cela confirme la priorité chronologique du travail, qui est le pain de l’humanité et doit donc être respecté comme tel: producteur de richesse matérielle indispensable. Mais on ne peut faire l’impasse sur le social, qui est l’âme de l’humanité. Je suis souvent surpris, quand je défends la libre entreprise, d’être traité à la limite d’exploiteur par certains (encore faudrait-il que j’aie quelqu’un à exploiter et que ma philosophie soit en accord avec cela), et quand je défends l’humain d’être traité par d’autres d’idéaliste ou d’empêcheur de faire des affaires. Ma philosophie contient la quête d’un humain global et non pas découpé en camps opposés, même si j’admets la contradiction dynamique et la dialectique.
Je pense clairement qu’il faut d’abord manger, donc produire, donc faire des affaires. Mais je pense tout aussi clairement que les affaires sans le sens de la vie ne sauraient nourrir l’entièreté de l’humain. Dans ma vie le sens a toujours prévalu sur la rentabilité. J’ai dû apprendre, entre autres par les difficultés financières, à rééquilibrer ma vision. Je pense aujourd’hui que gauche et droite sont deux bras d’un même corps, et non deux corps différents. Il reste à en convaincre les politiques et à dessiner ce corps.

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