Cette abrogation survenue il y a peu a fait parler au-delà des frontières françaises. Des associations féministes se sont élevées contre la décision du Conseil Constitutionnel. Décision qui a pour effet de faire cesser toutes les procédures en cours. Elles ne pourront pas être reprises.
Le harcèlement fait partie de délits dont la preuve directe est difficile à fournir. Il ne se pratique évidemment pas en public, en principe. Mais il est aussi délicat à distinguer de comportements licites ou simplement énervants, qu’il s’agisse de harcèlement sexuel ou non sexuel.
La loi première loi française sur le harcèlement sexuel date de 1992. Elle précisait le délit de cette manière:
«Le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.»
Ce qui est condamnable est bien évidemment le fait de harceler. Une relation hiérarchique dans laquelle un chef donne des ordres ou avertit un employé d’un comportement non conforme à l’usage ou au règlement de l’entreprise ne peut être considéré comme délictueux. Loi doit être précise et le délit clairement défini. Mais alors, qu’est-ce précisément que harceler?
Les trois éléments cités dans le texte doivent être présents:
- l’usage de menace ou de contraintes,
- le but sexuel,
- l’abus d’autorité.
Ce qui laisse place à des comportements non délictueux: une relation amoureuse réelle survenant dans un cadre professionnel ne peut être considérée comme un harcèlement, même si la femme est la pdg d’une entreprise et l’homme un employé, comme dans un film avec Demi Moore et Michael Douglas. Si la simple relation hiérarchique devait être considérée comme un abus ou du harcèlement, il y aurait un déni de démocratie puisque par leur fonctions différentes deux personnes ne pourraient entrer dans une relation librement consentie, et même pas dans une relation d’amitié. Nous serions dans une sorte de société de castes où les niveaux hiérarchiques ne peuvent se mélanger. Bonjour le 19e siècle. Le fait de tenter de séduire un employé ou un employeur n’est donc pas répréhensible. C’est normal. Les gens font ce qu’ils veulent de leur vie.
Par exemple, envoyer une invitation à boire un verre ou une déclaration d’amour reste de l’ordre du normal. Le harcèlement survient lorsqu’il y a répétition d’une sollicitation non souhaitée. Mais pas seulement (tout dépend bien sûr de la fréquence de la répétition. Faire sa cour et insister n’est pas encore interdit): il faut en plus une tentative de corrompre par la menace d’un licenciement ou d’un préjudice.
En 1998 ce texte de loi a été augmenté par la notion de «pressions graves», en plus des menaces et contraintes.
En 2002 le gouvernement Jospin, pressé par des groupes féministes, a simplifié la loi. Il n’en est resté que ceci:
«Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.»
Le terme harceler n’est plus défini. Le délit n’est donc pas précis. C’est pourquoi, en l’absence d’une définition claire du délit, le Conseil Constitutionnel a décidé d’abroger la loi. Les associations féministes sont évidemment fâchées. Mais elles ne doivent s’en prendre qu’à elles: à force de vouloir criminaliser les relations hommes-femmes, elles sont allées trop loin, font retourner 20 ans en arrière, et les socialistes façon Jospin ont été poussés à la faute.
Un nouveau texte devra donc être voté, qui précise à nouveau le délit.
Je propose que le texte qui sera proposé tienne compte du harcèlement dans tous les sens. La loi de 1992 prévoyait que le harcèlement soit le fait d’une personne abusant d’une position hiérarchique. Mais il peut aussi être le fait d’un employé envers son chef. Comme d’une femme envers un homme. L’égalité devant la loi suppose que l’on en tienne compte.
Plus de détails ici.