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Billet de blog 16 mars 2012

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Avortement (2ème partie): parler en étiquettes

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Suite et fin du précédent billet sur les éléments du débat à venir en Suisse, où le peuple sera amené à se prononcer sur le remboursement de l'IVG par l'assurance maladie.

Arguments d’une opposante
1. Dans sa réponse d’opposante Sandrine Salerno, membre du parti socialiste genevois et Conseillère administrative de la ville de Genève, développe avant tout l’aspect économique. La fin du remboursement de l’IVG par l’assurance de base aurait pour conséquence que seules les femmes aisées pourraient y avoir accès. Cela créerait donc une inégalité sociale. La presque totalité de son texte parle de l’aspect financier.

2. Elle invoque donc le droit à l’égalité entre les sexes tel qu’inscrit dans la Constitution suisse, laissant sous-entendre que la fin du remboursement par l’assurance maladie serait contraire à la Constitution.

3. Elle réfute rapidement l’argument selon lequel l’avortement n’est pas une maladie. Sans argumenter elle le qualifie d’absurde.

4. Elle évoque un droit fondamental des femmes, et leur droit inaliénable à disposer de leur corps. Ces droits sont présentés comme attaqués et les femmes seraient donc victimes de ces attaques.

5. Elle mentionne un peu rapidement la problématique des avortements clandestins qui pourtant a toujours été très importante pour les défenseurs de l'avortement légalisé.

6. Elle utilise à plusieurs reprises des étiquettes qui sont des stigmatisations de l’initiative ou de ses auteurs mais en aucun cas des arguments: rétrograde (2x), absurde, immoral, indigne, inadmissible, division inacceptable, fondamentaliste, réactionnaire, extrémiste.
L’égalité: un piège à con
L’aspect économique est un des motifs de débat. Les initiants suggèrent que le remboursement est une banalisation et qu’aucune réflexion ne se fait sur l’acte en lui-même. Madame Salerno affirme que la fin du remboursement créerait une inégalité discriminante entre les femmes. D’un côté un argument économico-moral, de l’autre un argument économico-social. Ce deuxième argument pourrait être annulé par la création d’assurances complémentaires pour le remboursement de l’avortement. De plus le fait de devoir souscrire volontairement une telle

assurance amènerait

peut-être des femmes à réfléchir davantage, à anticiper, à privilégier une contraception sûre plutôt qu’à envisager l’avortement futur comme une normalité de sa vie de femme. C’est probablement ce que souhaitent les initiants. Mais de nombreuses femmes ne prendraient pas cette complémentaires, et pourraient malgré tout être dans la situation d’une grossesse non désirée. Il faudrait alors que la famille, ou le compagnon, ou un fond social leur viennent en aide. Ce qui les obligerait à rendre des comptes, ou à affronter la famille et le monde dans un moment de plus grande fragilité où il faut aller vite. Cette question contient un vrai débat. Actuellement l'avortement est presque un acte solitaire de la femme enceinte: est-ce vraiment souhaitable de lui laisser porter seule cette grave décision?
Sur l’égalité, l’argument ne vaut rien sinon à être brandi à toutes les sauces au point où un jour il perdra toute consistance et créera même un réflexe de rejet. C'est déjà le cas pour des hommes que je connais et qui en ont plein les oreilles que l'argument tout-puissant de l'égalité soit utilisé parfois abusivement, neutralise des débats et les fasse passer pour des réactionnaires s'ils tentent de discuter autrement que le dogme le permet. L’inégalité de revenus et d’aisance financière n’est en aucun cas concernée par la loi sur l’égalité des sexes. C’est même un non-sens d’y faire appel puisque la loi parle bien de l’égalité des sexes alors qu’ici il est question d’inégalité des revenus, qui plus est entre personnes du même sexe! L’égalité est en passe de devenir un piège à con grâce à celles qui l’invoquent le plus à tort et à travers. Ici c'est un argument non relevant.
La question de l’avortement, maladie ou non, est répondue plus haut.
Le droit inaliénable des femmes à disposer d’elles-mêmes pourrait être un bon argument en démocratie. L’inconvénient est que le père n’a aucune place en l’occurrence, et que ce n’est pas le seul domaine où la société évacue les pères. Ici l’égalité des sexes n’est pas respectée. Mais s’il y avait une égalité, et que le père refuse l’avortement quand la mère le souhaite, que se passerait-t-il? On est devant une des limites de l’égalité: la dissymétrie des sexes ne permet pas une égalité symétrique. Il y a là aussi un vrai débat à mener. Et en poussant à l'absurde, le droit des hommes à disposer de leur corps n'est pas respecté: si la femme décide toute seule d'avorter, qu'elle rende donc son sperme à l'homme car il lui appartient!...
La question douloureuse des avortements clandestins est évidemment celle où l’on ne peut qu’être d’accord. Mais rien ne démontre que la fin du remboursement par l’assurance maladie en augmenterait le nombre, en particulier si une assurance complémentaire prend le relais. Toutefois la situation actuelle assure sur ce point une bien plus grande sécurité aux femmes que toute autre solution.

Le plus malheureux dans cet argumentaire est l’usage de mots creux, vides de sens: rétrograde, réactionnaire, etc. Langage habituel de politiciens à la recherche d’effets de langage plus que d’arguments. Etre réactionnaire signifie être en réaction. Serait-ce donc illégitime d’être en réaction? Fichtre, tous les indignés devraient alors être considérés comme réactionnaires. Réactionnaire s’oppose en général à progressiste. Mais le progrès est variable pour chacun. L’avortement est un progrès pour certains, une régression pour d’autres. Qui a raison? Chacun sa morale. L’usage de ces mots creux, le vide sémantique qu’ils véhiculent, donnerait presque envie de voter contre ceux qui les utilisent tant leur apport au débat est pauvre.


Conclusion
Pas la peine donc de stigmatiser, cela ne fera jamais un argument. Il y aura débat et l’on verra comment la réflexion du peuple suisse a collectivement évolué. Le monde change dans un sens ou dans un autre selon une évolution des mentalité, le résultat d'expériences, etc. Faudrait-il traiter les anti-nucléaires de réactionnaires alors que cette énergie représentait le progrès il y a 50 ans?

Il y aura donc débat. Essayons d'y amener des arguments de valeur.

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