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Billet de blog 16 mars 2012

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Avortement en Suisse: une initiative réactionnaire?

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Une initiative des évangélistes suisses pour la fin du remboursement de l’avortement par les caisses maladie a abouti. Il y a une semaine la Tribune de Genève a proposé à une initiante et à une opposante de s’exprimer sur le fond

On sait que l’initiative des évangélistes pour la fin du remboursement de l’avortement par les caisses maladie a abouti. Il y a une semaine la Tribune de Genève a proposé à une initiante et à une opposante de s’exprimer sur le fond.

Arguments des partisans de l’initiative
Il y a dix ans le peuple de Suisse avait accepté largement la libéralisation de l’avortement. Pendant les 12 premières semaines sur seule décision de la femme, après pour raisons médicales. Le débat revient devant le peuple qui sera appelé à voter dans les prochaines années. Par un abus de langage malheureux les opposants accusent les initiants de vouloir combattre non la prise en charge par l’assurance maladie mais la pratique même de l’avortement. L’initiative étant déposée par des milieux religieux cette critique a un boulevard devant elle.
Nous ne devrions pourtant pas bouder les débats sur les grands sujets de société. La démocratie s’use lorsque l’on s’endort dessus.
Les arguments des initiants exprimés dans la Tribune par madame Valérie Kasteler-Budde, vice-présidente du Parti Evangéliste section de Genève, tiennent en ceci:
1. L’avortement n’est pas une maladie, il n’a pas à être pris en charge par l’assurance maladie. L’avortement serait alors payé individuellement ou par une assurance complémentaire à contracter.

2. Les assurés co-financent tous le coût de l’avortement. Certains d'entre eux, de par leur éthique propre ou leur croyance religieuse, n'acceptent peut-être pas d’être complices de ce qu’ils considèrent comme un crime.

3. L’avortement a un coût direct et des coûts indirects: selon une étude anglaise il y aurait des troubles psychiques pour 81% des femmes, anxiété, dépression, et 50% de plus de risque d’avoir ensuite un enfant prématuré. L’avortement n’est pas simplement un droit acquis de haute lutte, il représente également un problème de santé publique.

4. La pratique facilitée, voire banalisée de l’avortement, n’est-elle pas de nature à conduire les femmes à se sentir un droit de vie et de mort sur les enfants à naître et à se placer au-dessus de la vie qu’elle est censée protéger?

5. Les pères sont en général évacués de la décision d’avorter et déresponsabilisés.

6. L’avortement est présenté comme solution contraceptive de dernier recours aux jeunes filles des nouvelles générations. Le principe d’accès gratuit favorise «cette logique d’accès gratuit et illimitée à toutes les formes d’avortement».
Ces arguments ne sauraient être rejetés en bloc sous prétexte d’une initiative que le populisme de gauche caractérise de «réactionnaire».
Analyse de ces arguments


Dans un précédent billet l’argument selon quoi l’avortement n’est pas une maladie trouvait en symétrie opposée le fait que la grossesse n’est pas non plus une maladie. Pourtant son suivi et l’accouchement sont pris en charge par l’assurance maladie, car le suivi de la grossesse est destiné à une prévention et à permettre à un enfant de venir au monde dans de bonnes conditions. Cet argument semble convainquant. Mais il faudra encore y revenir ultérieurement car grossesse et avortement ne peuvent être mis à égalité d’intention et d’importance dans la société. Le droit à l’avortement n’exclut pas qu’il y ait une hiérarchie d’importance et donc de valeur dans la société humaine.
Le fait que les assurés cofinancent l’avortement n’est à mes yeux pas un bon argument. Le principe de solidarité de l’assurance maladie fait que nous payons tous pour les autres quand nous allons bien et que les autres paient pour nous quand nous en avons besoin. Choisir ce qui est remboursé de ce qui ne l’est pas en terme de maladie ou de prévention pourrait conduire à des débats partisans du plus mauvais effet démocratique. Par exemple pourquoi rembourser des maladies du métabolisme dûes à l’excès d’ingestion de chocolat et de sucré? Si le malade a choisi de manger beaucoup de sucre c’est sa liberté mais aussi sa responsabilité. On imagine qu’un tel argument reviendrait vite à faire la police dans la vie des autres, et à les laisser faire la police dans la nôtre.
L’avortement induit-il d’autres troubles, en particulier sur la santé psychique? L’étude anglaise citée par les initiants n’a à ma connaissance pas été contestée. Il y a donc un coût économique, social et psychologique à l’avortement et le banaliser ne peut qu’amplifier ce coût. Il est certain que l’avortement n’est pas une partie de plaisir pour les femmes qui le subissent. Le soulagement immédiat est une chose, la culpabilité plus profonde qui apparaît parfois ensuite en est une autre, en général pas prise en compte.
Sur la question du droit de vie et de mort sur l’enfant à venir, les évangélistes sont cohérents avec leur doctrine. Ils ne sont donc pas réactionnaires ou rétrogrades, ils sont en accord avec leur foi et leur idéal de vie.
Sur la question de la responsabilisation des pères, ceux-ci sont en général évacués du questionnement. Les femmes ont la décision et ils n’ont au bout du compte pas grand chose à dire. Cette situation les déresponsabilise, et déresponsabilise les garçons en général. N’oublions pas que les sexes sont dissymétriques et que les conséquences d’une grossesse sont très différentes pour une femme et pour un homme. L’éducation à la responsabilité doit donc être réalisée et ajustée en fonction du sexe. Sur ce point il serait par contre illusoire de croire que l’initiative changerait quelque chose. La responsabilité est le fruit d’une éducation et d’une prise de conscience individuelle, pas d'une initiative populaire.

(2ème partie à venir)

Une belle histoire:

Vient de paraître:

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