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Billet de blog 16 avril 2012

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France: la gauche face à son mythe

La tendance est plutôt à la gauche en France. L’approche de la présidentielle avive les espoirs de tous ceux qui voudraient une société moins libérale, plus étatique. Le rejet de Nicolas Sarkozy donne un semblant de légitimité aux surenchères chimériques.

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La tendance est plutôt à la gauche en France. L’approche de la présidentielle avive les espoirs de tous ceux qui voudraient une société moins libérale, plus étatique. Le rejet de Nicolas Sarkozy donne un semblant de légitimité aux surenchères chimériques.

Repenser la solidarité

Je rappelle par exemple la proposition de Mélenchon de donner aux employés un pouvoir sur l’entreprise. Il y est revenu et a dit à Marseille «vouloir une "République sociale" qui mette fin à "la monarchie absolue du patronat" dans l'entreprise.» C’est un de ses projets phares qui correspond à sa haine de ceux qui commandent - ce qui ne l’empêche pas d’être très directif lui-même. Son attitude et son programme le montrent.

J’ai déjà dit ici que cette proposition impliquait que les employés deviennent responsables des dettes au cas où leurs décisions possiblement empreintes d’incompétence et de corporatisme causent des pertes financières. Or rien n’est fait dans ce sens. C’est assez curieux de faire miroiter un plus grand pouvoir sans en appeler à la contrepartie: une plus grande responsabilité.

Une république sociale, solidaire, où l’on mettrait l’humain au centre, ce n’est pas une simple vue de l’esprit. C’est quelque chose de très concret. Il ne suffit pas que l’Etat donne plus de subventions ou propose de donner le droit de voter contre les patrons. Dans cette proposition de Jean-Luc Mélenchon il faut savoir que la solidarité devra exister économiquement. Si les employés votent sur les décisions de l’entreprise, afin comme le dit Mélenchon de mettre fin à la monarchie absolue du patronat, ils doivent être prêts à assumer financièrement les pertes. C’est aussi cela la solidarité.

La solidarité de l’Etat est une lame à double tranchant. Je suis persuadé de sa nécessité. Mais elle tend à donner à L’Etat un pouvoir de plus en plus grand sur les individus. C’est pourquoi elle doit être clairement délimitée et encadrée. Soyons clairs: l’idée de donner aux employés le droit de vote sur l’entreprise est une forme d’atteinte à la propriété privée. C’est d’une manière indirecte un renforcement de l’Etat ou de la chose publique, de la Res Publica, puisque la propriété privée est limitée.

Solidarité, libéralisme, humanisme: quel est l’intrus?

Cette limitation à la propriété est liée au constat que le libéralisme ferait fi de toute solidarité et que donc il faut en limiter le pouvoir. Le vote des employés est supposé leur donner plus de pouvoir sur leur vie et de limiter les pratiques d’un libéralisme voué aux gémonies. Le libéralisme a pourtant autant amené des richesses qu’il a conduit à sa propre crise, mais il n’est pas possible pour la gauche Mélenchon de faire la part des choses. Toute nuance serait un compromis inacceptable avec l’ennemi de classe.

Or la solidarité nationale ne saurait passer par un discours vindicatif où la posture intellectuelle et le ton créent l’adhésion tout en aveuglant sur le prix social à payer pour ce programme, dont le prix financier sus-mentionné.

La solidarité n’a de valeur que par son humanisme naturel. Or la solidarité prônée par la gauche doit être complète pour se prétendre humaniste. Et elle doit être bien autre chose qu’une forme de nationalisation du pays et de soumission de l’économie à l’Etat. Si l’entreprise n’a plus son libre arbitre il n’y a plus aucun intérêt à créer des entreprises. A ce régime, en 25 ans il n’y aura plus de république sociale faute d’une économie active.

Mais comment associer l’entreprise et la solidarité? La question est complexe et nécessite de redéfinir en partie le «vivre ensemble». Si les mécanismes proposés par la gauche n’ont d’autre but que d’amplifier les confrontations et de rendre les employés solidaires des faillites d’entreprises, cette solidarité montrera très vite ses limites.

Il y a donc autre chose à penser que cette resucée du grand soir à la sauce d’un beau parleur.


Les mains blanches des hommes de gauche

La solidarité commence par sa famille, ses proches, ses voisins. Qui est prêt à prendre ses parents à sa charge? A offrir tous les jours une assiette de plus pour l’inconnu qui vient et qui a faim? Qui comme encore au 19e siècle est prêt à donner son lit pour celui qui est malade? Qui partage la moitié de son réfrigérateur avec les gens de son quartier qui n’ont pas de quoi manger?

Pas grand monde, je crois. Les Restos du coeur fonctionnent sur des dons d’entreprises et des subventions d’Etat. Ils remplacent ce que les individus ne font plus chez eux, dans leur propre cercle le plus proche. Mélenchon et Hollande partagent-ils avec les pauvres? Ce serait un scoop! Les pauvres leur servent d’argument électoral. Pas plus.

La solidarité est un beau concept, mais c’est aussi un mythe. La solidarité doit venir de gens qui s’investissent. Le reste n’est que politique politicienne. Cela a son rôle à jouer. Les aides sociales sont utiles et ne peuvent être données sans un contrôle neutre de l’Etat. La gauche donne des leçons sur la solidarité. C’est son rôle. Mais, ceux qui donnent les leçons vont-ils eux-même au charbon? Ont-ils mis en place l’assiette du pauvre dans leur charmante petite datcha, ces représentants auto-proclamé du peuple?

Tant qu’ils ne l’auront pas fait le mot solidarité sonnera dans leur bouche comme du gravier. J’ai vu sur des sites très à gauche des attitudes d’une violence intellectuelle et des méthodes pour tuer l’adversaire habituellement réservées aux fascistes de tous bords: injures, mépris, diffamation, bref une panoplie qui fait réfléchir le citoyen que je suis qui a parfois voté à gauche et qui bien que libéral dans l’âme par goût immodéré de la liberté, n’adhère à personne en particulier.

Ceux qui croient à la liberté du libéralisme et à la nécessité de l’entraide devraient davantage élaborer le cadre d’un «libéralisme social». Actuellement la gauche ne peut pas le faire. De Mélenchon à Michel Onfray, ce sont les même vieux discours d’imprécation qui reviennent, masquant leur impuissance conceptuelle derrière des postures radicales alors que la gauche ne peut réellement être que réformiste au plan politique. Elle pourrait aller plus loin en revalorisant la solidarité, l’entraide, le soutien, mais en donnant l’exemple individuel. Je ne vois pas la nomenklatura de gauche prête à aller distribuer des repas ou passer des nuits entières avec les SDF. Les hommes de gauche ont les mains trop blanches pour savoir ce qu’est la solidarité.

Personne d’ailleurs ne passera ses nuits près des SDF tant qu’on donnera de plus en plus de pouvoir à l’Etat. La solidarité a été longtemps l’affaire des familles et des oeuvres chrétiennes. Elle est devenue une entreprise nationalisée. Soit. Parlons alors de porter assistance. L’assistance est la forme politique de la solidarité en tant que valeur humaine. La solidarité contient un facteur humain, un engagement personnel envers celui qui est dans la difficulté, qu’aucun programme même de gauche ne peut prétendre assurer.

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