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Billet de blog 18 avril 2012

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Breivik et les salafistes: chacun sa guerre

La différence entre un terroriste et un soldat est que le premier se légitime de lui-même alors que le soldat est légitimé par une hiérarchie, une armée et un pays. Un terroriste, un tueur politique, est une sorte de soldat auto-produit qui ne dispose pas d’une validation par un Etat. 

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La différence entre un terroriste et un soldat est que le premier se légitime de lui-même alors que le soldat est légitimé par une hiérarchie, une armée et un pays. Un terroriste, un tueur politique, est une sorte de soldat auto-produit qui ne dispose pas d’une validation par un Etat.

Un soldat tue. C’est une de ses activités normales. On peut être opposé à la guerre et voter la disparition totale des armées, partout en même temps sur la planète. En attendant les armées existent. Et les tensions dans le monde ne permettent pas de penser à la fin prochaine des guerres.

Le procès d’Anders Breivik est celui d’un individu, d’un humain - et le fait de le nommer tueur sanguinaire, fou, monstre, ne change pas son humanité. L’humain est fait de cela. Le simple fait d’imaginer rétablir la peine de mort dans son cas montre que nous sommes potentiellement pareils à lui: prêts à tuer. Les pilotes de l’Enola Gay larguant la première bombe atomique sur Hiroshima ont tué en une seconde mille fois plus de personnes que le norvégien. Mais ils étaient en mission et défendaient un pays contre un autre qui avait déclaré la guerre. Eux sont des héros. Breivik est un monstre. La différence entre eux? La guerre des uns est reconnue officiellement. Celle de Breivik ne l’est pas.

Or il faut bien réaliser qu’il se définit comme un guerrier. Son acte est qualifié par lui-même de légitime défense. Il est un soldat solitaire auto-produit. L’extrême-droite radicale pro nazi et antisioniste aux Etats-Unis a théorisé l’action du terroriste solitaire depuis les années 1970. Chaque action d’éclat est comme un manifeste idéologique rappelé au pays. Anders Breivik est un soldat organisé. Il s’est minutieusement préparé, a légué un testament idéologique. Il entre bien dans cette catégorie de soldats, dans cette armée cachée. Il se voit en résistant, comme l’étaient les résistants français du Vercors et d’ailleurs.

C’est pourquoi le procès d’Oslo est non seulement celui d’un individu mais aussi celui d’une théorie. Le tribunal ne fera pas le deuxième procès. C’est à nous de le faire et de nous positionner. Ce procès, avec l’étalage des thèses du tueur, comporte bien sûr le risque d’une diffusion de ces thèses. L’invasion de l’Europe par l’islam est une vision assez répandue. Elle est confortée ces jours par la polémique au sujet de la distribution de Corans en Allemagne, et bientôt en Suisse. Le groupe salafiste qui organise cette distribution a traité de cochons et de singes et ouvertement

menacé les journalistes qui ont critiqué cette action «Nous savons où tu habites, nous connaissons ton club de football, nous avons ton numéro de téléphone mobile» (Die Welt).

La question que pose Breivik est: voulons-nous dans quelques décennies une Europe mise à genoux par ces gens-là? L’immigration de personnes d’une culture très différente peut-elle se faire sans que cela ne questionne le vivre ensemble? Pourquoi faudrait-il s’opposer au libéralisme et à sa mondialisation économique, comme c’est à la mode, alors que l’on accepte le libéralisme et la mondialisation en matière de propagande religieuse et d’immigration?

Des têtes pensantes comme l’économiste de gauche Jacques Sapir recommandent la fin de l’Euro et la réhabilitation d’un certain protectionnisme, c’est-à-dire la fin de l’Europe avec le risque du retour aux nationalismes guerriers et à l’affaiblissement définitif du continent: comment peuvent-ils défendre une économie plus localisée et ne pas pousser leur réflexion en matière culturelle?

Je ne veux ni les Breivik ni les salafistes. Je ne reconnais pas le testament idéologique du tueur et je ne reconnais pas à l’islam de valeur universelle. Les deux sont des croyances particulières qui ne concernent que ceux qui veulent bien s’y soumettre. Je ne veux ni le ghetto d’un nationalisme étriqué ni l’islamisation de l’Europe.

Mais si l’Europe veut rétablir un protectionnisme économique, la cohérence sera aussi de rétablir un protectionnisme identitaire et culturel. Privilégier un certain nationalisme a pour but une forme de préférence nationale. Cela peut choquer. Pourtant cette idée se retrouve à gauche comme à droite. Dans la confusion générale des idées et des valeurs en Europe, il faut savoir ce que nous voulons. Avec la mise en question de la construction européenne et le désir de nationalisme, c'est 60 ans d'idéal qui vont peut-être tomber. La paix, le vivre ensemble des communautés et ethnies différentes, le partage, le goût d'inventer un nouvel art de vivre, tout cela survivra-t-il à cette poussée nationaliste qui va de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon? Quelle pensée forte tient encore la route actuellement? Tous ne semblent que des vendeurs de sparadraps. Même la lutte des classe est ressortie faute d'avoir pu inventer une nouvelle culture. Il faut réinventer la pensée, hors des clivages. L'Europe a toujours un rôle à y jouer.

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