L’affaire de la publicité pour le Jura, qui n’en est pas vraiment une, à peine une averse dans un verre d’eau, sert visiblement des intérêts divergents. Des intérêts antinomiques dont on connaît les uns - faire connaître un produit - mais moins les autres: instaurer une police de la pensée autour de tout ce qui concerne les femmes.

En clair: enfermer peu à peu les femmes dans une sorte d’aura d'intouchabilité, au même titre que les catholiques ont enfermé Marie dans une image inaccessible de vierge-mère fécondée par un esprit. C’est bien joué de la part des catholiques: ce qui aurait dû soulever un tollé pour des millénaires, soit la justification spirituelle de l’adultère féminin, est devenu objet de culte et d’admiration. En miroir, le père est évacué de la filiation biologique et ne garde qu’un rôle de parent pourvoyeur, interchangeable, rôle diminué dont personne ne s’étonne vraiment et qui continue aujourd’hui à fragiliser la fonction paternelle.
Cette mythologie autour de Marie a diverses fonctions, comme celle de la valorisation de la mère dans la famille et dans la société. En terme de communication c’est une image vendeuse. Aujourd’hui la présence de femmes dans des publicités irrite les milieux féministes grincheux. Les copines de la Féminista veulent bien qu’il y en ait mais seulement si leur image a un lien direct avec le produit. Notion floue et contradictoire avec le fonctionnement de l’esprit humain et la liberté de créer.
L’amusant est que la publicité pour la lingerie féminine est acceptée, alors même qu’elle est souvent érotisée, mais celle pour les voitures est rejetée au nom de l’orthodoxie idéologique du refus de la femme-objet. Le communiqué de presse des Chiennes de garde suite au spot promotionnel sur le Jura le rappelle:
«Le Comité départemental du tourisme du Jura utilise une femme-objet pour faire sa pub !» et plus loin: «Mais quel rapport avec le Jura ? Quel rapport avec le tourisme ? Et les familles ou les femmes et les hommes touchés par ces spots publicitaires ? Il utilise les méthodes publicitaires courantes des sites de rencontres (voix de femmes chuchotantes, "rejoins-moi sur [le site du Jura]"…).»

Cette association a pour slogan: «Contre les insultes sexistes publique». Soit. Encore faut-il qu’il y ait insulte et que cette insulte soit intentionnellement orientée de manière à stigmatiser, dénigrer, sous-estimer le sexe concerné. Insulte sexiste dans ce spot? Où donc? Et la femme-objet: pourquoi seulement elle? Le sexisme, quand il existe, serait-il à sens unique? Pourquoi ne pas s’élever contre les hommes-objets? Et les enfants-objets? Les animaux-objets? En fait contre tout ce qui n’a pas un rapport direct avec le produit?
La créativité, celle que demande aux publicitaires l’adjudante-cheffe d’Oser le Féminisme, Caroline de Haas, est très développée contrairement à ce que ses lunettes idéologiques lui imposent de voir. Faisons fi du féminisme grincheux. La pub met les produits en valeur parfois pour eux-mêmes, ce qui passe très bien dans certains cas. Mais elle utilise aussi l’allégorie, l’analogie, l’évocation, pour mettre en valeur les qualités d’un produit, ou pour faire rêver, pour associer le produit à quelque chose de particulier ou d’agréable en nous ou susceptible de captiver notre attention.
Le langage de l’image permet des collisions de genres et d’objets de nature à stimuler notre imagination et à accroître notre désir de l’objet. Ce n’est pas nouveau. De tous temps hommes et femmes, auteurs, peintres, ont su développer des stratégies pour faire passer un message. Et puis que de femmes-objets dans ces statues nues de l’antiquité soumises à tous les regards et aux intempéries! Ah, mais c’est de l’art! Donc la nudité et la sexualisation est admise dans certains cadres. Mais pas dans la pub, qui pourtant est fille d’un grand courant artistique du 20e siècle: le surréalisme.
Prenons l’exemple de l’image d’une cascade ou d’un vaste paysage de plage, de mer et de ciel bleu pour illustrer une voiture: il n’y a pas de lien direct entre la voiture et le paysage. Une cascade évoquera la pureté, donc une voiture plus propre. Ici la plage et la mer évoquent les grands espaces et l’évasion: c’est une rouleuse. Mais rien à voir directement avec le produit sinon par ce qu’il suggère. Et les bébés de la pub Evian, qui nous ont tant amusés: ce sont des bébés-objets. Quand à la pub Toyota, si la diminution des gaz d’échappements est bonne pour la nature, on ne voit pas ce que vient faire ce tronc en forme de bras humain. Aucun lien: on a donc un bras-objet.

L’association d’un homme avec une voiture ne choque pas. La pub avec l’homme qui frime au volant à un feu rouge à côté d’un autre homme plus âgé, et qui réalise après coup que c’est son futur beau-père, introduit l’amour et l’humour pour vendre une voiture: où est le problème? Cela plaît ou non, rien de plus à dire. La pub Giulietta de 2011, que je repasse en-dessous, associe la voiture à la vie et à la femme. Et pourquoi pas si la femme peut représenter cela? Les femmes prennent en général beaucoup de force dans les pubs! La force du désir, de l’adaptation, de la liberté.
Femme-objet, homme-objet, c’est un débat très pipé. La «correctitude» guette. La police de la pensée s’est incarnée dans la Féminista. En réalité, que les pubs soient teintées d’humour, de tendresse, d’un soupçon d’érotisme, on est en général très loin de l’insulte sexiste. Faut-il considérer les frontons des temples hindous comme des modèles de sexisme avec leurs bas-reliefs de femmes nues copulant dans toutes les positions avec un ou plusieurs hommes? Un minimum de transgression par rapport à la correctitude est nécessaire à la liberté et à la créativité. Que certaines images ou pubs fassent débat c’est très bien. Mais que le lobby des grincheuses veuille faire interdire un spot et rajouter des lois restrictives, non merci. Je ne leur accorde aucune autorité morale ou politique pour pouvoir prétendre à cela.
La police de la pensée voudrait décider à notre place de ce qui est bien ou mal en publicité. Nous ne serions pas assez grands pour le savoir par nous-mêmes. Nous sommes trop bêtes aux yeux de la Féminista, et les femmes qui touchent un salaire pour les pubs seraient forcément des exploiteuses qui participent à l’aliénation généralisée!
Quant à être objets, nous le sommes tous: objet d’amour, de projections, de désir. Un objet consentant devient un sujet. Un sujet grincheux devient un objet.
Sainte Vierge, délivre-nous de la police de la pensée et des grincheuses!
Allez, une petite pub sympa femme-voiture:
La pub Giulietta: