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Billet de blog 12 février 2013

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Le buste de Néfertiti a cent ans

Le 6 décembre 1912, l’égyptologue allemand Ludwig Borchardt invente, en toute discrétion, le buste de Néfertiti sur le site des fouilles de Tell el-Amarna. Depuis un siècle, ce buste est devenu l’icône subliminale de l’égyptophilie. Très vite Néfertiti [1] symbolise la femme moderne du début du XXe.

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Le 6 décembre 1912, l’égyptologue allemand Ludwig Borchardt invente, en toute discrétion, le buste de Néfertiti sur le site des fouilles de Tell el-Amarna. Depuis un siècle, ce buste est devenu l’icône subliminale de l’égyptophilie. Très vite Néfertiti [1] symbolise la femme moderne du début du XXe. Elle est maintenant l’emblème de la nouvelle ville de Berlin. Les touristes se pressent en foule pour l’admirer dans l’écrin du Neues Museum qui vient d’organiser une exposition célébrant le centenaire de la découverte.

Et pourtant. En 2009, Henri Stierlin, le grand historien d’art suisse né à Alexandrie, a jeté un pavé dans la mare, avec un petit livre percutant[2]. Après une sérieuse enquête, il montre que l’authenticité du buste s’avère douteuse. Car aussitôt inventé, le buste est escamoté. Sorti clandestinement d’Egypte, il reste longtemps caché. Le musée allemand a toujours refusé de produire les documents archéologiques d’origine qui risqueraient de ternir la renommée de la « Joconde de Berlin ».

Force est de constater que le trop fameux buste est plus marqué par le style de la Belle Epoque que par celui du règne d’Akhenaton, au XIVe siècle avant notre ère. Henri Stierlin confie : « Je le trouve kitsch. Un peu Art nouveau, déjà Art déco ». Pour lui, cette sculpture est le résultat d’une expérience de reconstitution moderne à partir d’éléments antiques, une sorte de maquette d’étude. Comme ces restitutions pédagogiques de modèles grecs et romains exposées dans les musées allemands (Berlin, Munich, Francfort). L’historien a même découvert l’auteur de la mystification. Il s’agirait du sculpteur allemand Mark, membre de l’équipe de fouille de Borchardt.

Alors s’agissait-il en 1912 d’une invention, au sens ancien du terme, de la découverte d’un objet préexistant, donc d’égyptophilie ? Ou bien, selon le sens moderne du mot, de la création d’un artefact inspiré à la fois de l’antique et du présent, donc d’égyptomanie ?

Les responsables du Neues Museum reconnaissent discrètement en off que le buste a subi d'importantes « retouches ». Merveilleusement polychrome, comme jamais en Egypte ancienne. Long et gracile, ce cou de cygne. Disparue, la bosse sur le nez. Creusées à la Marlene Dietrich, les deux joues. Néfertiti aurait ainsi été rendue conforme à l'idéal féminin de l’époque !

N’est-il pas temps, un siècle après la miraculeuse invention, de sortir les archives et de confronter les analyses techniques, historiques et stylistiques ? Bref, d’organiser un colloque international pluraliste pour résoudre enfin ce mystère.


[1] Le nom de Néfertiti signifie « la belle est venue », allusion à la déesse Hathor.

[2] « Le buste de Néfertiti, une imposture de l’égyptologie », par Henri Stierlin (Infolio).

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