Le musée des Beaux-arts de Lyon a acquis récemment trois œuvres de Pierre Soulages, appartenant à trois périodes du peintre.Dans la première, « Brou de noix sur papier », de 1947, le noir s’oppose encore à la blancheur du support. Avec la seconde « Peinture 202 x 143 » de 1967, le noir l’emporte sur le blanc confiné à l’état de traces. « Peinture 181 x 244 » de 2009 est un triptyque où l’outrenoir triomphe avec ses somptueux feux de lumière.
A cette occasion, le musée présente un ensemble[1] d’œuvres récentes, réalisées entre 2002 et 2012. Les multiples facettes de l’outrenoir s’y déploient sur de grandes toiles simplement définies par leurs dimensions, parfois juxtaposées en diptyque ou polyptyque. De salle en salle des différentiations s’opèrent. Techniques, matières, textures et couleurs se multiplient. La variation infinie des noirs, l’irruption du blanc, l’effraction du bleu…
Un ensemble de sept peintures monumentales (222 x 157) réalisées de décembre 1990 à février 1991, déjà exposé à Lyon, revient ici des collections privées où il s’est dispersé, pour inonder le spectateur de sa plénitude. C’est un choc, égal à celui ressenti dans une salle tapissée de Rothko. Ainsi la peinture non figurative peut donner à sentir une jubilation de l’ordre de celle qu’on éprouve devant les grands maîtres du Quattrocento et du Cinquecento par exemple.
C’est cette émotion qu’exprime sans ambigüité un des intervenants devant la caméra d’Agnès Varda. Car au début de l’exposition un court métrage présente Pierre Soulages dans sa maison et son atelier de Sète. Face à la cinéaste curieuse du mystère de cette création, l’artiste nonagénaire conte avec sérénité mais sans discours l’urgence et l’intensité matérielle de son art.
Dans l’exposition le public vagabonde avec une concentration remarquable. On entend des chuchotements en italien et en anglais, conséquence de la fréquentation de plus en plus européenne des manifestations lyonnaises. A preuve les phrases griffonnées dans le livre d’or. Peu de critiques, ni même d’invectives primaires, mais beaucoup d’émotion née de la lumière diffusée par tant de noir.
[1] L’exposition SOULAGES XXIe SIECLE (du 12/10/2012 au 28/01/2013) sera ensuite présentée à la Villa Médicis à Rome. Commissaires : Sylvie Ramond, directeur du musée des Beaux-arts et Eric de Chassey, directeur de l’Académie de France à Rome.