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Billet de blog 21 août 2013

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Le dessin dans l’Egypte ancienne (2)

La très belle exposition organisée dans l’espace Richelieu  par Guillemette Andreu-Lanoë, conservateur général et ses collaborateurs du Louvre, a présenté trop brièvement deux cents objets venus des plus grands musées d’égyptologie.

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La très belle exposition organisée dans l’espace Richelieu  par Guillemette Andreu-Lanoë, conservateur général et ses collaborateurs du Louvre, a présenté trop brièvement deux cents objets venus des plus grands musées d’égyptologie.

On trouve dans l’exposition évoquée ici dans un premier billet tous les supports de dessin possibles. Les souples, avec le papyrus, le tissu de lin, la peau tannée (le cuir). Les rigides : le bois, la terre cuite, la faïence, la mouna (enduit de pisé appliqué sur les parois). Et puis la pierre bien sur : éclats brisés des ostraca, pierre calcaire tendre, granit dur, calcite semi-précieux, et toute matière utilisable pour la ronde bosse...

Bien sur, nous le savons depuis longtemps : de toutes les civilisations antiques, jamais aucune n’a autant dessiné et écrit que l’Egypte, partout et sur tous les supports disponibles. Mais c’est sur place, dans les ruines pharaoniques et sur les innombrables sites archéologiques que le visiteur est le mieux à même d’en juger.  

A défaut de voyage en Egypte, bien compromis aujourd’hui, l’exposition permet pourtant d’apprécier le dessin antique, à partir d’un choix restreint d’objets significatifs et dans le cadre d’une réflexion ordonnée. Cependant si  les musées d égyptologie abondent en artefacts de toutes sortes, les objets ne sont pas toujours disponibles. Ainsi n’était-il pas possible de faire venir des œuvres du Caire, compte-tenu de la situation en Egypte. D’autres objets sont hélas trop fragiles ou ne sont pas prêtable.

Tel est le cas de la célèbre danseuse-acrobate de Turin, absente de l’exposition, pourtant placée en tête de cet article à titre de référence absolue. La danseuse contorsionniste est ici croquée allégrement dans une figure spectaculaire proche des arts du cirque moderne. Cet incroyable dessin de pur agrément figure sur un ostracon de l’époque ramesside retrouvé à Deir el-Médina, le village des artisans (Turin, Musée Egizio, cat 7052).

L’exposition du Louvre était organisée en trois chapitres que l’on retrouve dans le catalogue, déclinés en une quinzaine d’essais, puis par les notices précises consacrées aux œuvres présentées dans les vitrines. La première partie invite à entrer dans le monde des scribes-dessinateurs. La deuxième dévoile les pratiques et les caractéristiques du dessin égyptien. La dernière présente l’univers mental des dessinateurs, surtout à partir d’œuvres issues d’une production intime et personnelle qui dévoile l’imaginaire des artistes égyptiens.

Fragment de paroi d’une tombe royale

Venu du Musée Calvet d’Avignon, ce fragment de calcaire comporte quatre colonnes d’inscription (inv A 8). Les signes hiéroglyphiques sculptés en relief levé conservent leur belle polychromie. On voit bien ici que l’écriture est aussi image. Les hiéroglyphes sont régulièrement dessinés en colonnes (ou ailleurs en lignes horizontales), harmonieusement regroupés en modules qui s’inscrivent dans des carrés virtuels, les cadrats. La plupart de ces signes sont représentés de profil, mais immédiatement reconnaissables par leur style linéaire et géométrique. Les couleurs ne visent pas au réalisme, mais elles s’accordent à un code symbolique, selon une charte graphique. Ce fragment a été identifié récemment comme provenant d’une tombe royale thébaine de la XIXe dynastie, encore non précisée.

Coupe aux trois poissons

Cette petite coupe en « bleu égyptien » venue de Berlin (AM 4562) présente un motif étonnamment moderne. Trois poissons du Nil, des tilapias, partagent la même tête au centre d’une composition rayonnante qui figure un bassin orné de fleurs de nénufar. Bien sur cette évocation nilotique symbolise la renaissance du défunt. Mais au-delà de l’évocation cosmologique, cette faïence siliceuse de la XVIIIe dynastie contourne avec une heureuse fantaisie les conventions formelles du dessin égyptien.

Livret funéraire d’Imenemsaouf

Voici une sorte de Livre des morts en résumé, datant de la XXIe dynastie. Le texte écrit à l’envers, en caractères rétrogrades, décrit le domaine de l’Au-delà avec le déplacement du soleil nocturne sur sa barque. Le corps monstrueux du serpent Apophis est lardé de couteaux pour neutraliser la malfaisance que la représentation pourrait, sait-on jamais, lui conférer. Les dessins soignés du papyrus sont cernés d’un fin trait rouge et recourent à une très belle polychromie (Louvre N 3292). Il est dommage que l’on ne puisse agrandir la photo plein écran en cliquant dessus, pour voir les détails, comme c’était le cas auparavant sur la précédente maquette de Médiapart !

 Peinture murale : Jeune femme élégante

Une élégante convive participe au banquet funéraire célébrant le défunt. Cet archétype respecte l’aspectivité et le symbolisme chromatique. Visage de profil, mais œil de face. Epaules de face, mais sein de profil. Carnation féminine ocre jaune. Robe de lin blanc. Abondante perruque coiffée du cône d’onguent. Bouquet de fleur de lotus... Ce fragment de la tombe de Nebamon, à la fin de la XVIIIe dynastie, provient du Kestner Museum de Hanovre (inv 1962-69) [1].

Ostracon avec le portrait de Ramsès VI

Cet extraordinaire portrait personnalisé du pharaon Ramsès VI, coiffé du casque royal orné de l’uraeus, montre combien l’art égyptien peut parfois dépasser les conventions formelles. L’artiste a réalisé une première esquisse au trait rouge, avant de fixer la version définitive au trait noir. Les couleurs appliquées ensuite ménagent la délicatesse de la joue et des lèvres, tandis que l’œil est saturé de noir. Le visage du roi cumule ici la beauté virile et la puissance souveraine. Ce grand ostracon du Louvre provenant de la collection Drovetti (N 498) a été étudié par Jean-François Champollion, alors premier conservateur des antiques. Détail émouvant : l’étiquette manuscrite "D 10" que le déchiffreur a collée figure encore sur le socle de marbre.

Figurine d’hippopotame couvert de plantes des marais

Cette figurine en « bleu égyptien » ou faïence est un des objets les plus populaires du Louvre (E 7709). Elle a été découverte en 1860 par Auguste Mariette dans la tombe du scribe Néferhotep, actif sous la XIIIe dynastie, à la fin du Moyen Empire, il y a près de 4000 ans ! Le puissant pachyderme, symbole de la renaissance du défunt, emprunte la couleur azur du fleuve. L’artiste a dessiné les plantes lacustres directement sur la peau de l’animal si débonnaire qu’il semble déjà être devenu une mascotte ou une peluche contemporaine.

Ostracon figuré avec hippopotame

Venu du Metropolitan Museum (inv 23.3.6), cet ostracon présente le dessin soigné d’un hippopotame moins débonnaire que le précédent. La sureté du trait, l’application et la variation des couleurs émanent d’un artiste confirmé, attentif aux détails. Découvert à Deir el-Bahari dans le temple d’Hatchepsout et dans  un contexte de la XVIIIe dynastie, il s’agit peut-être d’un objet à fonction apotropaïque. Car plus que la bienveillante déesse Touéris, il faut sans doute voir ici l’évocation des forces néfastes et dangereuses qu’il est nécessaire de conjurer.

Ostracon satirique figuré avec chat et souris

Cet ostracon livre une scène humoristique entre un seigneur-souris et un serviteur-chat. Le dignitaire assis porte un long pagne tissé de style ramesside et il respire le parfum d’une fleur de lotus. Le chat rafraîchis son maître avec un éventail à plume. Entre les deux, un guéridon porte une oie troussée et rôtie. Cet exemple relève d’un type  satirique fréquent dans le village des artisans à la XIXe et à la XXe dynastie. Il s’agit peut-être de l’illustration d’une fable transmise oralement. Bruxelles, musées royaux (E 6727).

Bien d’autres objets sont dignes d’être commentés : les œuvres votives, preuves d’une piété personnelle, comme les petites représentations impressionnantes du cobra dressé ; les objets magiques protecteurs des vivants comme des momies ; les notables puissants, croqués dans leurs fastes et dans leur ridicule ; les petites scènes de la vie idéale ici-bas, etc.  C’est tout l’intérêt de cette exposition captivante et du riche catalogue qui l’accompagne.


[1] On trouve des fragments de peinture de la célèbre tombe thébaine de Nebamon (TT 181), à Londres,  Avignon, Hanovre, Lyon et au Louvre. Pour celui d’Avignon, voir l’illustration dans le premier billet.

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