On va beaucoup parler de « devoir de vérité » à partir d’aujourd’hui à l’assemblée nationale, ou le gouvernement va défendre ses premières orientations budgétaires pour 2014. Vérité des comptes. Vérité sur l’état réel de nos finances publiques. Vérité toute nue, vérité quasiment naturiste, qui prendra pourtant soin, comme d’habitude, d’esquiver sa nudité en la cachant derrière des mots. Aucun débat politique ne se revendique autant de la vérité que le débat budgétaire, aucun débat ne l’évite davantage.
Ce n’est pas qu’on mente, c’est qu’on habille. On joue de la sémantique. Passons sur le jeu de cache-cache démocratique entre la majorité qui gère les affaires, et l’opposition qui exerce le contrôle. La première qui n’appelle pas augmentation d’impôts une augmentation d’impôt, la seconde la dénonce, la première qui anesthésie, la deuxième qui appuie là où ça fait mal, tout cela fait partie du débat nécessaire.
Non, l’habillage est collectif. Il consiste en une manière de parler d’autre chose. D’esquiver la portée de son propos. Officiellement, tout le monde serait d’accord sur un principe inattaquable, « l’Etat doit faire des économies », et les désaccords ne porteraient que sur les moyens d’y parvenir.
Or le subterfuge, vis-à-vis du citoyen, commence précisément dans cette évidence là, reprise par exemple par le très rigoureux journal « Les échos » dans son édition d’hier, je cite l’un de ses titres : « les dépenses de l’état vont diminuer l’an prochain de 9 milliards, ce qui est sans précédant ».
Rien n’est faux dans cette affirmation, tout est précis, documenté, illustré, graphiques à l’appui. Sauf un détail. Passée au philtre de vérité, la phrase donnerait à peu près ceci : « L’année prochaine les français recevront neuf milliards de moins, ce qui est sans précédant ».
La vérité c’est que l’Etat est toujours présenté, au moment des budgets comme un gros truc à part, isolé du pays, et de ses habitants et que ce n’est pas la vérité. L’Etat c’est tout le monde.
Bien-sûr il y a ce qu’on appelle le train de vie de l’Etat, les voitures et appartements de fonction, les pistons, les privilèges, les fonctionnaires qui ne ficheraient rien, toutes ces choses qui font régulièrement, la couverture du magazine le Point, mais retirez tout cela, les abus et les glandeurs, et la question des déficits ne serait pas mieux réglée par cette remise en ordre, que la baisse du salaire de François Hollande n’a réduit l’endettement.
Pour l’essentiel les dépenses de l’Etat, ou des collectivités locales, ce sont les prestations ou les services que reçoivent les citoyens, et ce n’est pas ce qu’on leur dit au moment des budgets. On parle des ministères qui se serrent la ceinture, comme si le sacrifice avait lieu là haut, mais dans la vie d’en bas ce sont les fins de mois des gens qui deviennent des épreuves.
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