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Billet de blog 3 juin 2013

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Allocs: les angoisses de Saint Tartuffe

A priori la réforme des allocations familiales c’est Fort Knox, vous savez, la célèbre forteresse américaine du Kentucky qui contient les réserves d’or des Etats-Unis. Jean-Marc Ayrault va dire si le gouvernement préfère la réduction des allocations pour les familles aisées, ou la baisse du quotient familial, et le silence le plus absolu a été conservé sur la décision présidentielle, comme s’il s’agissait d’un secret militaire.

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A priori la réforme des allocations familiales c’est Fort Knox, vous savez, la célèbre forteresse américaine du Kentucky qui contient les réserves d’or des Etats-Unis. Jean-Marc Ayrault va dire si le gouvernement préfère la réduction des allocations pour les familles aisées, ou la baisse du quotient familial, et le silence le plus absolu a été conservé sur la décision présidentielle, comme s’il s’agissait d’un secret militaire.

       C’est que le pouvoir a le sentiment de s’engager sur un champ de mines. Toucher aux allocations ce serait s’en prendre à un symbole national qui veut que le PDG du Cac 40 et le smicard soient dans le même bateau, même si dans le navire de 1945 l’écart entre les salaires oscillait de 1 à 15, alors qu’il est aujourd’hui, au moins, de 1 à 300…

       Il y a comme de la sacralisation, dans l’air d’une société en crise qui ne cesse par ailleurs d’en appeler, comme ils disent, à lever les tabous pour oser la réforme. Trancher, avoir « du courage », réduire enfin les dépenses de l’Etat, cet Etat providence impotent et inadapté aux exigences de la mondialisation. Les mêmes qui martèlent ce discours sur la lutte contre les déficits avec l’air excédé des chroniqueurs économiques sur les chaînes de télé tout info, ont soudain des sanglots dans la voix quand ils évoquent l’espèce de sacrilège que constituerait la modulation des allocations familiales, qui afficheront pourtant un trou de deux milliards d’euros.

      « Ce serait une entaille incroyable  au caractère universel de la politique familiale » a prévenu Jean-François Copé hier, tandis que le gouvernement mettait son casque lourd et son gilet pare-balles…

       Quand on parle de « la famille », chacun, de gauche à droite, a le souci de prouver qu’il la protège. A écouter l’inquiétude du pouvoir et les messages d’alerte de l’opposition, cette famille vivrait sous cloche, isolée des vicissitudes du monde grâce aux allocations à la française.

       « Hollande veut faire payer les familles » prévient d’ailleurs le Figaro sur sa première page. Jusqu’à présent, sans doute, les familles ne payaient pas.

       Quand le prix du pain augmente, les familles ne paient pas, elles ne mangent que des allocs. Quand les vêtements augmentent, les familles ne paient pas, elles se vêtent d’allocations. Quand les plans sociaux mettent au chômage des milliers de salariés, les familles ne sont pas concernées, quand les chômeurs n’ont plus de droits, les familles haussent les épaules, quand il faut payer son loyer, les familles s’en battent les flancs, quand on évoque la fin des 35 heures, et donc pour les parents la fin d’un jour toutes les deux semaines pour élever ses enfants, les familles sont indifférentes…

       Finalement, dans le discours national, les familles sont une chose, et les français en sont une autre. Voilà pourquoi le gouvernement, comme l’opposition, vont demander des efforts aux français.

       Mais surtout pas aux familles !      

       France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas