Le décalage est brutal. Les violences de la banlieue de Grenoble remettent les questions d’insécurité sur le devant de la scène, et ce qui frappe c’est le contraste entre la gravité des faits, et le côté rituel, et à côté de la plaque, du débat politique que ces événements suscitent.
D’abord un mot, un adjectif, une couleur. Le blanc. La semaine dernière, à propos des banlieues, Jean-François Copé a cru bon de reprendre l’expression de « Racisme anti-blanc », pour définir ce qui lui semble être un phénomène majeur dans les violences. Elles seraient ethniques. Noirs, ou gris, contre blancs, divisés en armées homogènes.
Et puis hier cette manifestation silencieuse. Une marche blanche. A regarder les marcheurs, leur douleur, leur indignation, leur volonté de vivre en paix, la fameuse relation entre les délinquants et la couleur de la peau ne sautait pas aux yeux. Hier ce sont des victimes qui défilaient, des victimes et pas des agresseurs, et la marche blanche était plutôt foncée.
Il faut croire que la peur, la souffrance, et le refus de la violence ont moins de couleur que les arrière-pensées politiques.
Au-delà des mots et des couleurs, il y a aussi le ton. Ce qui s’est passé à Grenoble, si les faits se vérifient, révèle un degré de violence débridé. Entre la fureur des meurtres, et le déclencheur de la fureur, il s’est passé semble-t-il des heures, pendant lesquels on s’est organisé, pour ainsi dire méthodiquement.
Ces violences n’ont pas eu lieu, a priori, sous le coup d’un accès de colère incontrôlables, elles ont été planifiées.
En clair ces faits sont effrayants parce qu’ils échappent aux repères habituels. Ils chamboulent les schémas. Ils sont un éléphant dans le magasin de porcelaine des idées préconçues.
Depuis trente ans, les politiques se sont succédées, les unes mettant en avant plutôt l’éducation, parfois sans la pratiquer, elles émanaient le plus souvent de la gauche, les autres se faisant fort de nettoyer la violence au karcher médiatique.
Elles ont toutes échouées. Le constat, juste après une alternance, c’est que les problèmes de violence n’ont pas été réglés, qu’ils ont plutôt empiré, et qu’ils sont assurément plus complexes que les discours politiques.
Mais les discours n’ont pas changé. Il a suffi que le Président de gauche se rende sur place, et soit interpellé par les habitants du quartier, pour que la droite se sente pousser des ailes, comme si elle en avait encore.
Le rituel politique a retrouvé son petit train-train automatique et décalé, comme si quelqu’un avait la solution miracle. A ma gauche le laxisme, à ma droite le bâton, roulez jeunesse et rendez-vous au prochain fait divers.
France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter : @huberthuertas