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Billet de blog 7 mars 2013

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Chavez le diable et Chavez le bon dieu

Comme dirait le politologue Stéphane Rozès, la mort de Hugo Chavez en dit long sur l’imaginaire politique français. Sous des dehors parfois prudents, les réactions sont presque aussi binaires que la lutte éternelle du diable et du bon dieu. A l’extase de Frère Mélenchon, qui s’exprimait hier à pleine gorge, et quasiment à longs sanglots, s’oppose une sainte grimace, qui fait la petite bouche en parlant du Commandante, et constate avec des airs sous entendu, comme si ça avait un rapport, que Chavez est mort le même jour que Staline…

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Comme dirait le politologue Stéphane Rozès, la mort de Hugo Chavez en dit long sur l’imaginaire politique français. Sous des dehors parfois prudents, les réactions sont presque aussi binaires que la lutte éternelle du diable et du bon dieu. A l’extase de Frère Mélenchon, qui s’exprimait hier à pleine gorge, et quasiment à longs sanglots, s’oppose une sainte grimace, qui fait la petite bouche en parlant du Commandante, et constate avec des airs sous entendu, comme si ça avait un rapport, que Chavez est mort le même jour que Staline…

        C’est comme si les excès de Chavez alimentaient les passions françaises. A la gauche de la gauche, et chez le souverainiste Nicolas Dupont Aignan aussi, on était en quasi lévitation. Jean-Luc Mélenchon est allé le plus loin dans cette posture. Pour lui Chavez est un héro absolu, auquel il a même emprunté la rhétorique et le vocabulaire :  "Les Européens si prétentieux, arrogants, méprisants, s’est-il écrié, l'infecte Social-démocratie se répand en injure contre les figures progressistes d'Amérique latine, J'ai honte du niveau lamentable des commentaires. Comment pouvez-vous être aussi infâmes et aussi bas? », c’était vraiment du Chavez réincarné.

        Et c’est vrai que les détracteurs du président vénézuélien n’y sont pas allés de main morte, eux non plus, même s’ils ont observé, hier, une trêve très relative. Ils reprochent d’abord à Chavez ses attaques contre Israël, qui frisent effectivement un antisémitisme d’ailleurs salué par Ahmadinejad,  et son goût pour les dictateurs, dont Hafez el Assad. A cela le député écologiste Sergio Coronado, répondait, sur notre antenne, que certains présidents français avaient, eux aussi, en leur temps, accueilli comme des stars et Assad et Khadafi…

        Chavez est également critiqué pour sa pratique du pouvoir, il a été putchiste, et s’il est revenu par l’élection, il s’est maintenu selon ses détracteurs, grâce à une pratique plébiscitaire, autocrate, et surtout, horreur, malheur, il a fait du « populisme ».

        C’est dans ce mot valise qu’on trouve d’ailleurs l’objection principale des contempteurs d’Hugo Chavez, la plus feutrée peut-être, mais aussi la plus révélatrice peut se lire dans l’édito du journal Le Monde daté d’aujourd’hui. Le quotidien du soir admet en première page qu’en une grosse décennie la réduction de la pauvreté a été spectaculaire au Venezuela, qu’il y a deux fois moins de pauvres, que le pays est devenu le moins inégalitaire d’Amérique du Sud. Donc bravo, apparemment. Mais non… Car « L’état a multiplié les programmes sociaux, subventionnant l’alimentation, l’éducation, la santé, le logement, et, conclut le journal, cette prodigalité s’est payée au prix lourd », si bien que la rente pétrolière n’a pas été bien utilisée, et que Chavez laisse un pays économiquement affaibli ».

        En somme, ce qui cloche, c’est que le peuple aille mieux, mais l’économie moins bien ! Dans une Europe qui demande aux peuples de vivre plus mal pour que l’économie aille mieux, cette observation apparemment technique, et presque neutre, n’est pas moins spectaculaire, et moins brutale, que les diatribes de Jean-Luc Mélenchon.   

        France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas