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Billet de blog 10 septembre 2013

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FN : Faux culs et vrais blocages

Revoilà le serpent de mer, disait hier Alain  Juppé à propos de l’alliance de l’UMP et du Front National, qu’il refuse énergiquement. Ce serpent, c’est François Fillon qui vient de le revigorer, en admettant qu’on puisse voter pour l’extrême droite à condition que son candidat soit moins « sectaire » que celui de la gauche.

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Revoilà le serpent de mer, disait hier Alain  Juppé à propos de l’alliance de l’UMP et du Front National, qu’il refuse énergiquement. Ce serpent, c’est François Fillon qui vient de le revigorer, en admettant qu’on puisse voter pour l’extrême droite à condition que son candidat soit moins « sectaire » que celui de la gauche.

       François Fillon a donc changé d’avis. Il y a un an, quand son rival Jean-François Copé avait prôné le « Ni-Ni », il avait répondu que lui ne mettait pas « le FN et le PS sur le même plan ». Plus net encore, au printemps, il s’était démarqué de Nicolas Sarkozy en proclamant que le Front est à combattre « parce qu’il est en dehors des limites du pacte républicain ».

       C’était beau comme de l’Antique. Tellement antique que ce Fillon est périmé.  

        Adieu le Ni-Ni de Copé, qui consiste à s’abstenir, bonjour le Ou-Ou de Fillon, qui admet qu’on puisse voter "Ou bien" pour le PS "Ou bien" pour le Front National, en fonction de la bonne mine du candidat.

       Pourquoi ce revirement ? Parce que l’ancien Premier Ministre, quelle que soit la hauteur sur la quelle il entend se percher, ne peut pas se couper de la base militante de l’UMP, que cette base s’est radicalisée, et qu’elle ne supporte plus que son seul adversaire, le Parti socialiste, puisse profiter d’une division de la famille de la Droite, dans laquelle elle inclut le Front National.

       Conséquence, si l’extrême droite réussit la poussée qu’on lui prédit aux municipales, le barrage théorisé par l’ancien ministre Bruno Le Maire ne résistera pas. Le Maire expliquait l’an dernier que l’Etat major de l’UMP refusait sans état d’âme tout rapprochement avec Marine Le Pen, mais que plus on descendait sur le terrain, et plus la tentation devenait intense.

       Donc l’UMP est embourbée, le PS crie au scandale, et ça fait trente ans que ça dure, trente ans que ce débat se drape dans la morale, même si chacun sait bien qu’il est truffé d’opportunisme à droite et d’hypocrisie à gauche.

        Le Parti Socialiste a la nausée pour la galerie, mais il se frotte les mains. Une poussée du Front National pourrait lui sauver la mise. Et l’UMP se tortille pour faire joli, comme Fillon l’année dernière, et comme tant d’autre avant lui, mais il cède et il cèdera, comme Fillon cette semaine.

       Car le problème n’est pas là, ou pas seulement. L’urgence morale est d’abord un blocage institutionnel. Une impasse politique entretenue par un mode de scrutin qui ne mesure pas les forces, mais qui écrase les uns, le centre, la gauche de la gauche, la droite de la droite, et surdimensionne les autres, le PS et l’UMP.

       Seule une vraie dose de proportionnelle donnerait son poids  à chacun des partis, aussi détestable ou fréquentable qu’il soit, par rapport à ce qu’il est, et non plus par rapport à ses alliances ou ses inimitiés.

        La proportionnelle a des défauts, mais l’Allemagne s’en accommode, pendant que la France radote dans son corset majoritaire, en agitant ses serpents de mer, ou en frayant avec eux.         

        France Culture 7h15 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas