François Fillon a fait son outing. Tout le monde savait qu’il envisage de devenir Président de la République, puisque lui-même l’a dit, mais cet adepte des demi-mots, des petites vacheries, des sous-entendus qui s’entendent entre initiés, restait dans sa demie mesure, sous ses pardessus de tweed, pour ne pas offenser la coutume UMP, c'est-à-dire le garde à vous devant le chef, un chef qui n’est pas lui mais Nicolas Sarkozy. Et bien c’est fini. A la Grande Motte, hier soir, François Fillon ne l’a pas fait savoir. Il l’a dit avec sa bouche.
« Je ne lie pas l’avenir de l’UMP à un homme » a déclaré l’ancien premier ministre, trois jours après la parade de l’ancien Président devant le bureau de l’UMP et son bain télégénique à travers une petite foule d’admirateurs Potemkine réunis pour l’occasion.
« Le temps de l’opposition est fait pour débattre, réfléchir, susciter de nouveaux talents, faire des bilans, élaborer un projet nouveau », a continué François Fillon, en écho au cours magistral de lundi, et il a lancé le bouquet final : « L’UMP ne peut pas vivre immobile, congelée, au garde à vous, dans l’attente de l’homme providentiel »…
Pourquoi cette entrée officielle dans la bataille présidentielle à quatre ans de l’échéance, et à trois ans des primaires ? Précisément parce que ces primaires, à peine actées par les militants UMP dans un vote numérique, sont en fait menacées par le retour précipité de Nicolas Sarkozy.
Si l’homme qui n’a pas rasé son nouvel emblème de vacancier actif, la barbe de trois jours, a monté cette opération médiatique devant son parti ce n’est pas seulement pour montrer sa bonne mine aux Français, et prouver que le Conseil Constitutionnel ne l’a pas abattu, c’est aussi et d’abord pour rappeler qu’il est là, qu’il est le seul, qu’il n’a pas de concurrence, qu’il est incontestable, et que dans ces conditions cette histoire de primaire, dont il n’aime pas le principe, est inutile et superflue.
La primaire c’est en effet l’assurance d’une controverse publique, d’un débat ouvert, d’une remise en question, d’un chahut potentiel, toutes choses inconcevables dans un parti bonapartiste, et Nicolas Sarkozy, sous couvert de considération géostratégique, a voulu ramener le silence.
D’où la sortie immédiate de François Fillon, destinée à faire grand bruit. Fillon aura noté que dans les sondages l’ancien Président a le dessus, et de très loin, chez les militants UMP, mais que les Français dans leur majorité ne souhaitent pas son retour. Il s’adresse donc au pays, plutôt qu’à son parti.
D’autres ont essayé bien avant lui cette stratégie de second tour, et se sont fracassés sur le premier qui impose de rassembler ses troupes. Il se trouve que les primaires peuvent changer la donne puisqu’elles s’adressent aux sympathisants plutôt qu’aux militants, voilà pourquoi Sarkozy veut les zapper, tout de suite, et Fillon les imposer, avant qu’il ne soit tard.
France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas