Admirable. Admirable et réconfortant. Le soin méticuleux des députés de la commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac à rechercher « la vérité » réconcilie avec la politique. Mediapart, cité comme une référence tout au long des auditions des ministres, n’est plus un journal aux méthodes fascistes. La volonté de savoir, y compris en publiant un enregistrement clandestin n’est plus un outrage, mais une vertu. Encore un effort et la commission se lèvera comme un seul homme, pour soutenir le journal qu’elle brandit, ainsi que le magazine Le Point, qui sont aujourd’hui condamnés dans l’affaire Bettencourt pour avoir utilisé les mêmes méthodes, exactement les mêmes, que dans l’affaire Cahuzac...
Car c’est bien la vérité, et seulement la vérité, que cherchent les députés, jusqu’à l’examen de conscience.
Exemple, Daniel Fasquelle, député UMP du Pas de Calais : « Sans l’insistance de Mediapart, l’enquête préliminaire n’aurait peut-être pas été ouverte ». C’est vrai. Exemple, l’effroi de l’ancien magistrat Georges Fenec, député UMP du Rhône : « Imaginons que Mediapart se soit incliné ! ». Exemple, ce diagnostic implacable de Philippe Houillon, député du Val d’Oise, également UMP : « On a une bombe qui tombe le 4 décembre. Et personne n’en a jamais parlé. Cahuzac on ne lui parle pas, on n’en parle pas entre soi, on a autre chose à faire. Est-ce qu’au bout du compte, ça n’est pas ça le dysfonctionnement ? ».
Phrase terrible, et qui décrit la France officielle de ces mois là, qui ferme les yeux. Pas seulement la France du pouvoir. La France de l’opposition aussi, qui ne dit rien, et la France des medias dominants, qui ne relaie pas l’information, ou qui réclame des comptes à celui qui la révèle.
Amnésie générale, au nom de la présomption d’innocence qui devrait contraindre les journalistes à attendre que les faits soient jugés pour pouvoir les évoquer. Silence au nom de la vie privée, qui devrait interdire d’enquêter dans l’envers du décor.
C’est ce silence collectif qui a volé en éclat avec les aveux de Jérôme Cahuzac. Or ce silence là, ce consentement, il a redressé la tête. Mediapart et Le Point ont été condamné par la cour d’appel de Versailles pour la diffusion d’enregistrements clandestins dans l’affaire Bettencourt. Ils doivent les effacer, et retirer toute référence à eux, sous réserve d’une astreinte qui les conduirait au silence, en les ruinant.
Si cette décision devait faire jurisprudence, il n’y aurait plus jamais d’affaire Cahuzac en France, et plus d’enquête parlementaire. Seulement la vérité des services de communication.
Logique avec eux-mêmes, les membres de la commission, unanimes, vont donc parapher l’appel lancé par Mediapart et quarante titres de la presse. Cet appel dit simplement : « Nous avons le droit de savoir ».
Dès qu’ils auront signé nous vous en informerons.
France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas