Toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus vite, cette fois la phrase du Baron de Coubertin ne s’applique pas à la Grèce des Jeux Olympiques mais à l’île voisine de Chypre, et c’est toute l’Europe, stupéfaite qui contemple une image inquiétante, voire affolante en se disant que décidément, après le passage de la fameuse troïka (Union Européenne, BCE, FMI) les comptes en banque ne repoussent pas.
Naturellement cette brutalité de l’image, et cette violence des témoignages ne traduit qu’une vérité partielle de la crise chypriote. Si cette toute petite économie (0,2% du Produit intérieur brut de la zone euro) caractérisée par une dimension bancaire hyper-dilatée, se retrouve dans cette extrémité c’est qu’elle a tué la poule aux œufs d’or. Ce paradis fiscal, très fréquenté par les fortunes russes, pour ne pas dire les mafias, a beaucoup investi dans les banques grecques, et en subit le contrecoup.
Mais qui paie l’addition, après la décision de prélever directement une taxe de 7 à 10% sur les comptes en banque. Sont-ce les seuls coupables ou responsables, les seuls mafieux, les seuls « investisseurs » entre guillemet attirés par des taux d’intérêt faramineux et des taxes minimales, ou les seules banques qui se sont fourvoyées ?
Non, comme toujours, c’est aussi M. et Mme Toulemonde, salarié, retraité, minuscule épargnant, qui se sont rué sur leurs comptes pour essayer de se mettre à l’abri et qui ont trouvé le distributeur de billet épuisé et les sites internet de leurs banques inaccessibles.
Jusqu’à présent les fameux plans d’austérité exigés dans les pays du sud, Grèce, Italie, Portugal, Espagne, avaient des conséquences au fond invisibles. On ne voit pas une retraite qu’on ampute, un salaire qu’on diminue, une allocation qui disparaît, tout juste en aperçoit-on les effets dans des manifestations, ou parfois, de plus en plus, dans des suicides par le feu.
Mais là c’est la panique immédiate, la ruée collective et spectaculaire, qui donne du corps à une colère de plus palpable et qui devient tout un symbole : là c’est directement, à ciel ouvert, la main du contrôleur Européen dans la poche du citoyen, qui n’a plus accès à l’argent déposé sur son compte. L’image est désastreuse.
Depuis des mois un débat se développe et se durcit en Europe, à propos des politiques d’austérité, qui débouchent sur encore plus d’austérité, les signes de tensions, voire de rupture se multiplient, les élections en Italie en sont le dernier symptôme, mais la Troïka, impavide, poursuite sa tâche technique.
Il faudra bien que les défenseurs politiques de l’Europe, tous ceux qui rappellent en permanence l’idée extraordinaire des fondateurs, et le chemin parcouru, finissent par crier casse-cou. Par reprendre la main.
Par entendre, le mot qui rôde depuis presque dix ans : « N » « O » « N » : « Non ! ».
France Culture 7h36 ; France Musique : 8h07 ; twitter@huberthuertas