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Billet de blog 18 juin 2013

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Jurisprudence Cahuzac et poussière sous le Tapie

       Avec le maintien de Stéphane Richard, la jurisprudence Balladur est morte, vive la jurisprudence Cahuzac. La jurisprudence Balladur considérait qu’un ministre touché par une affaire judiciaire devait démissionner, même si c’était injuste, car son maintien perturbait le fonctionnement de l’Etat. La jurisprudence Cahuzac soutient au contraire qu’un haut personnage, même gravement soupçonné, doit être maintenu en place, jusqu’à sa chute éventuelle, au nom de l’intérêt supérieur.

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       Avec le maintien de Stéphane Richard, la jurisprudence Balladur est morte, vive la jurisprudence Cahuzac. La jurisprudence Balladur considérait qu’un ministre touché par une affaire judiciaire devait démissionner, même si c’était injuste, car son maintien perturbait le fonctionnement de l’Etat. La jurisprudence Cahuzac soutient au contraire qu’un haut personnage, même gravement soupçonné, doit être maintenu en place, jusqu’à sa chute éventuelle, au nom de l’intérêt supérieur.

       La jurisprudence Balladur est en fait une jurisprudence Bérégovoy. C’est le Premier Ministre socialiste tragiquement disparu qui l’a appliqué la première fois à l’un de ses ministres, devinez lequel, l’histoire est malicieuse : Bernard Tapie, ministre de la Ville, éclaboussé dans un dossier Toshiba.

       Balladur a confirmé cette règle rigoureuse avec Alain Carignon, de même qu’Alain Juppé et Lionel Jospin, sous lesquels démissionneront Gérard Longuet, Michel Roussin, puis Dominique Strauss-Kahn.

       Sous le quinquennat Sarkozy, la jurisprudence Balladur s’est assouplie, certains ministres sont partis, comme Christian Blanc ou Alain Joyandet, d’autres sont provisoirement restés en postes, tels Brice Hortefeux ou Eric Woerth.

       Avec la République irréprochable de François Hollande on applique un nouveau principe. Il stipule que l’intérêt de le France, ou d’une grande Entreprise, doit prévaloir sur le soupçon, même s’il est lourd.

       C’est ainsi qu’un Ministre du budget a pu rester en poste tout en étant accusé de pratiquer la fraude fiscale. Pourquoi ? Parce qu’en l’absence de preuves le risque politique de son maintien était jugé moins grand que le préjudice immédiat de se passer de son talent. Il a fallu les aveux, et le scandale immense, pour qu’intervienne la démission.

       C’est ainsi qu’une ancienne Ministre de l’Economie, directement concernée par un scandale à cinq cent millions d’Euros continue d’être soutenue parce qu’elle dirige le FMI, et que l’image de la France en serait altérée si elle devait partir à la suite d’un scandale, comme Dominique Strauss-Kahn.

       C’est ainsi que son ancien Directeur de Cabinet, Stéphane Richard, reste PDG d’Orange même s’il est mis en examen pour escroquerie en bande organisée, et même si, comme le révèle le Monde daté d’aujourd’hui, il y autant de mensonge et d’entourloupe dans l’arbitrage Tapie qu’il en a eu dans l’affaire OM-VA qui a envoyé le même Tapie à la prison de Luynes.

      Cette fois c’est le talent de Chef d’entreprise de Stéphane Richard qui prime sur le trouble que pourrait causer sa participation à l’escroquerie présumée.

       Ainsi, au nom de la présomption d’innocence et du refus d’exploiter politiquement les affaires, François Hollande participe à sa manière au sujet du bac philo : « Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ? » a-t-on demandé aux élèves. Le Président invite à retourner la question : « Peut-on agir politiquement sans s’intéresser à la morale ? ».    

      France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter : @huberthuertas