En surface, la polémique paraît gonflée à l’hélium des faits-divers d’été, quand la faiblesse de l’actualité oblige à tirer à la ligne. Une rixe entre un ancien ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, et la femme qui lui succède, Aurélie Filippetti. Des directeurs virés, d’autres nommés, des tribunes accusatoires, qui parlent de dogmatisme, et des réponses pincées, qui évoquent la parité.
En profondeur, pourtant, la portée politique de cette agitation bruyante, dans le monde feutré de la culture, en plein été des festivals, pourrait poser un vrai problème, un problème de fond, qui dépasserait la dimension du coup de chaleur estival.
De quoi s’agit-il ?
Au départ, de pas grand chose. D’une contagion. D’une espèce de mode. Le mot « bashing » a du succès, il tourne en boucle depuis un an. Parti d’en haut avec le « Hollande bashing » maltraité par les médias dès son premier été à l’Elysée, il est descendu dans les étages du pouvoir. Ayrault y a eu droit, et désormais place au « Filippetti bashing », malmenée dans sa personne, ses choix, et dans ceux du gouvernement.
Frédéric Mitterrand a allumé la mèche en commentant le départ de certains directeurs, celui du musée Guimet, Olivier Vernon, du Centre national du livre, Jean-François Colosimo, ou du directeur du Centre dramatique national de Montpellier, Jean-Marie Besset, lequel est parti en écrivant une lettre ouverte qui parlait de violence, d’injustice, de pensée unique… ».
Les accusations sont allées crescendo ; des professionnels sont montés au créneau pour défendre au contraire la politique de la ministre, et lundi, dans une tribune publiée par le journal Libération, le comédien Philippe Caubère leur a répondu par un réquisitoire où figure, carrément, le mot de « saloperie ».
Tout cela pourrait paraître un peu « théâtral », au sens figuré du terme, et donc un peu sardine à l’entrée du vieux port de Marseille, s’il n’y avait le contexte.
Car le budget de la culture, très grand symbole de la relation entre la gauche au pouvoir et le monde de la culture, symbole mitterrandien par excellence, subit aussi les effets de la rigueur, ce qui provoque le désarroi, ou la fureur, de ceux qui sont atteints par les coupes claires.
Entre la colère des notables, ceux d’en haut, les ancien directeurs ou l’ex ministre, et le dépit des anonymes, ceux d’en bas, le cocktail est dangereux. Est-ce qu’après avoir, dit-on, perdu le peuple, et s’être éloigné des enseignants, les socialistes ne se couperaient pas à présent du monde de la culture ?
Si c’était le cas, le Filippetti bashing ne serait pas une anecdote, mais une nouvelle rupture
France Culture 7h36 ; France Musique 8h07 ; Twitter @huberthuertas