Pour cette dernière chronique de la saison, j’ai décidé d’être gentil. De ne pas dire de mal des politiques, ni de la gauche, ni de la droite, ni même de Nicolas Sarkozy (je dis ça pour les quelques auditeurs qui m’ont accusé de souffrir d’une idée fixe à son sujet)…
Ce qui ne veut pas dire que le billet de ce matin va se mettre à lancer des fleurs en guise de bouquet final, car un billet ça doit piquer. Ca a besoin d’une victime. Il faut quelqu’un dans son collimateur. Quelqu’un qui ce matin ne soit pas un politique, ni un journaliste, ni un footballeur, ni même un économiste.
Alors qui ?
Et bien j’ai trouvé. Je vais parler de vous, ou plutôt de nous.
Je vais nous dénoncer en bloc, nous dans le studio et vous qui nous écoutez, ou nous lisez, et qui êtes de plus en plus nombreux, à ce que dit Médiamétrie. Ce matin je vais commettre l’irréparable. Je vais remonter les bretelles aux auditeurs.
Tant pis pour vous et pour nous : Ces temps-ci, une figure se détache. Celle du grossier personnage. Vous avez remarqué ? Les mal élevés sont le nouvel ennemi commun. Un grand magazine leur a consacré un numéro spécial, et la RATP a lancé une campagne contre les incivilités.
Que font les mal élevés ? Ils téléphonent à tue-tête, ils tchattent en bloquant la porte du métro, ils twittent au cinéma, ils commentent les cours de la bourse dans une exposition. Bref, ils se servent de leur Smartphone.
Ces mal élevés ne se recrutent pas dans une catégorie sociale. Il n’y a pas chez eux de « CSP moins » ou de « CSP plus », ils sont universels. Ils peuvent écouter du rap en pantalon baggy ou de la musique classique en costume de grande marque, téléphoner avec l’accent des banlieues dans un métro bondé, ou virer leur secrétaire en direct dans un wagon ouaté de première classe, en TGV affaire.
Les pires sont les plus raffinés, ceux qui vont au spectacle vivant, et qui applaudissent debout, à la fin, mais dont le vibreur n’a cessé de retentir pendant la représentation, et l’écran de s’allumer comme le phare d’Alexandrie. Un soir j’ai vu un comédien, glacé de colère, pointer du doigt un spectateur, après le dixième rappel d’une pièce à succès, en lançant à la salle : « Vous devez savoir que ce monsieur tchattait pendant mon monologue, je le voyais, et je devais me concentrer ».
Ce monsieur et cette dame, c’est celui que Baudelaire désignait dans les fleurs du mal, vous savez, « hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ». Alors ce matin, bonne résolution de vacances. Puisque la politique consiste à changer le monde, on passe tout de suite aux actes.
(SONNERIE)
…Le monde on le change immédiatement. On coupe. Et quand on rebranchera… Pardon…
Allo ? Ah c’est toi, salut. Non non, tu me déranges pas, je suis à l’antenne mais y’a pas de souci. Oui oui, j’ai vu ça, à l’assemblée avec Duflot. Ca la fout mal ! Les politiques, qu’est-ce qu’ils sont mal élevés !
France Culture 7h36, France Musique 8h07, Twitter @huberthuertas