Hubert Huertas (avatar)

Hubert Huertas

Journaliste à Mediapart

308 Billets

1 Éditions

Billet de blog 26 mars 2013

Hubert Huertas (avatar)

Hubert Huertas

Journaliste à Mediapart

Chypre: mur de gruyère...

 Donc les banques chypriotes qui devaient rouvrir ce matin, selon la banque centrale de l’île, resteront finalement fermées jusqu’à jeudi, sur décision du gouvernement. Voilà qui prouve à quel point la situation est claire. Et plus on s’enfonce dans  cette affaire explosive pour l’ensemble européen, plus le citoyen de base doit se pincer pour y croire.

Hubert Huertas (avatar)

Hubert Huertas

Journaliste à Mediapart

 Donc les banques chypriotes qui devaient rouvrir ce matin, selon la banque centrale de l’île, resteront finalement fermées jusqu’à jeudi, sur décision du gouvernement. Voilà qui prouve à quel point la situation est claire. Et plus on s’enfonce dans  cette affaire explosive pour l’ensemble européen, plus le citoyen de base doit se pincer pour y croire.

       Depuis huit jours, en effet, l’homme de la rue aura appris, dans le même mouvement de panique, que Chypre était un paradis fiscal doublé d’une lessiveuse chargé de blanchir de l’argent russe, et que tout le monde le savait bien…

       Ainsi la zone Euro pouvait justifier son rôle de gendarme, il faut bien ramener l’ordre, mais révélait aussi au monde entier que le voleur, pourtant répertorié, habitait dans sa gendarmerie.

       D’un côté le laxisme, pourquoi avoir toléré ces trafics, de l’autre la rigueur, sur le mode ça ne peut plus durer. Une espèce de schizophrénie, sans doute à l’origine d’une bonne partie du divorce qui se creuse entre l’Europe des instances et l’Europe des citoyens.

       Comment comprendre la volonté d’harmoniser les budgets, de combattre les déficits, de réduire la dette de manière uniforme et impérative, et le maintien, pendant toutes ces années, d’un système qui permet de s’en dégager.

       Pourquoi cette zone de rigueur budgétaire, avec ses règles impératives, ses tables de la loi, ses grands prêtres, ses péchés capitaux, et cet espace qui fait copain avec les paradis fiscaux, Chypre bien-sûr, mais le Luxembourg aussi, pays qui permettent aux plus malins, aux mieux armés, de se soustraire à leurs obligations.

       Pas un jour sans qu’un mélange d’unité au forceps n’aille de pair avec le maintien d’accommodements avec le ciel. Dernier exemple, quelques pays, à la suite de la France, ont décidé d’instaurer une taxe sur les transactions financières, et bien la Grande Bretagne vient d’alléger un impôt sur les mêmes transactions, en abolissant son droit de timbre, et comme son impôt sur les sociétés a été abaissé à 20%, elle a pour but de devenir un nouveau paradis, avec tapis rouge inclus.

       L’implacable rigueur est donc une digue de gruyère. En cas  d’inondation on coupe l’eau dans le pays concerné, puis on place un péage à la sortie des robinets. On fait payer tout le monde, en créant un impôt déguisé. A Chypre, la semaine dernière, on avait ainsi décidé de taxer tous les déposants, plutôt que tous les citoyens, comme si ce n’était pas les mêmes, et la crise a éclaté.

       Cette fine distinction entre le consommateur et le contribuable n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Elle fait beaucoup penser à une proposition surréaliste d’un ancien ministre de l’environnement, Brice Lalonde. En 1991, pour ne pas créer un impôt sur l’eau il avait proposé d’instaurer une taxe payée, je cite, par les seuls buveurs d’eau. La brièveté de son mandat, le priva peut-être, l’année suivante, de l’appliquer aux respirateurs d’air…  

       France Culture : 7h36 ; France Musique : 8h07 ; Twitter : @huberthuertas