L’après-Confinement : comparons ce qui est comparable.
Les chiffres qui nous ont été présentés donnent une vision assez tronquée des résultats après une année 2020 qui semblait catastrophique (l’arrivée de la CNP ayant permis de gonfler les chiffres) 2. Logiquement, les chiffres en juin 2021 ne peuvent donc être qu’au-dessus de ceux de 2020, mais en net recul par rapport à 2019.
Nouveauté cette année, La direction fait le choix de se baser désormais sur le résultat net du groupe (ce qui entraîne un changement de base pour le calcul de l’intéressement) pour présenter les résultats de l’année en cours. Ce dernier est en augmentation de 50 millions d’euros (+10 %) en tenant compte des résultats de la CNP qui sont maintenant intégrés.
Par ailleurs, le cash disponible est en baisse, alors que le ratio dette/cash augmente. Ce dernier est de 7,6 alors que la moyenne pour les entreprises en France est de 3. La Poste est donc beaucoup plus endettée. Et pourtant, la direction envisageait d’être autosuffisante pour les prochaines acquisitions3. Son objectif semble dès le départ remis en cause, d’autant que la folie des achats continue de plus belle. Dès le premier semestre, c’est plus de 600 millions d’euros qui ont été investis pour acheter des entreprises augmentant d’autant la dette.
La plupart des achats (en poids financiers) ont lieu sur la branche GEOPOST justifié par son patron comme un moyen de dévulnérabiliser la Holding du marché européen aux perspectives moins alléchantes que les autres marchés… Nous pouvons donc nous attendre à ce que la direction continue sa fièvre acheteuse et aille même explorer des continents où elle n’est pas encore ou très peu présente
Si le courrier augmente de 6 % par rapport à 2020, il est en chute de 21 % par rapport à 2019. Par contre, l’effet accru de la dématérialisation4 prévu cette année par la direction qui devait amener une chute du courrier autour de 6 % n’est pas au rendez-vous ; il est même réduit de moitié. Cette moindre décrue pourrait avoir un impact « positif » sur la baisse du courrier. Il faudra cependant attendre une confirmation sur le prochain semestre. Au niveau écologique, on sait désormais qu’il n’est pas évident que le stockage sur des serveurs de documents qui ne sont plus envoyés par courrier soit plus bénéfique en matière d’émission de carbone que le papier.
La fréquentation du réseau est, elle aussi, en chute libre de 23 % par rapport à 2019, mais augmente de 16 % par rapport à 2020. En revanche, du côté du colis, le trafic-vente est en hausse de 57 % par rapport à 2019 et de 33 % par rapport à 2020, notamment par les envois de colis de particulier à particulier. (+36 % pour colissimo et +16 % pour Chronopost)
Pour la Branche Courrier Colis (BSCC), la moitié du résultat est donc principalement due à un effet rebond depuis le COVID. C’est d’autant plus problématique que l’eldorado des nouveaux services n’est toujours pas au rendez-vous (-5 millions d’euros par rapport à 2020). Le résultat d’exploitation de la Silver-économie recule, pour sa part, de 1 million d’euros. Difficile pour l’instant de nous les présenter comme l’avenir de la BSCC pour redresser les comptes et créer une alternative crédible.
Par ailleurs, l’annonce des 500 millions de compensations des missions de services publics devrait avoir un impact positif sur les chiffres. Pour rappel en 2020, la direction avait dû déprécier les actifs du courrier (machines de tris, logiciels…) parce que l’activité était très déficitaire. Ces actifs du courrier pourraient retrouver une rentabilité à partir de cette année….
GEOPOST continue sa progression avec une nouvelle augmentation du volume de ses colis et de la part des colis d’entreprises vers les clients particuliers (+ 10 % dans le volume de colis) qui s’explique en partie par l’explosion du e-commerce.
Pour la Banque, la direction de La Poste présentait, pour la première fois, des chiffres sur 4 secteurs d’activités (bancassurance France, banque de détail et CNP — Bancassurance internationale, essentiellement CNP — Banque grande clientèle et Investissement et Banque patrimoniale et Gestion d’actif). Ce nouvel affichage constitue un inconvénient majeur : ne plus avoir de vue précise sur les chiffres de la Banque de détail en la noyant avec les chiffres de la CNP.
Cependant, on peut déjà remarquer que le coefficient d’exploitation de la Banque, même en englobant la CNP n’est pas au beau fixe (79 points), bien loin des objectifs de la direction a la création de LBP5. Même si le COVID est passé par là, LBP on est en moyenne 10 points au-dessus de la moyenne des 6 plus grandes banques.
Autre inquiétude, selon les chiffres que nous avons obtenus et que la direction ne veut toujours pas communiquer, quand LBP réalise 3 clôtures de comptes, dans le même temps, elle ne fait qu’une seule ouverture. L’hémorragie continue même si elle a été contenue un moment.
Pour le Réseau, c’était la dernière présentation des comptes pour cette branche : elle est fusionnée avec le numérique depuis juillet 2021. Il y aura beaucoup à dire sur ces projets de transformation qui seront présentés dans un prochain séminaire stratégique. Cependant, on peut déjà voir que la direction continue à sabrer de nombreux emplois avec une diminution de 22 millions d’euros en « charges » de personnel. Les autres chiffres sont en hausse. Quant à La Poste Mobile, les chiffres s’améliorent, après une renégociation avec SFR, sur la tarification des minutes et de la data6. La filiale affiche cependant un résultat d’exploitation négatif, avec un cumul de -176 millions d’€ depuis sa création en 2015. Des pertes à mettre au passif des gestionnaires d’une boite qui est tout de même passée de 250 000 à 1,8 millions de client·e·s en 6 ans. Le nouvel accord donne à La Poste la possibilité de devenir FULL MVNO. Cela veut dire de gérer elle-même son infrastructure, sa seule dépendance restant sur les antennes relais de l’opérateur. Il semble donc que la direction envisage à plus ou moins long terme de voler de ses propres ailes dans ce domaine.
Le Numérique reprend doucettement. Comme pour le réseau, nous avons assisté à la dernière présentation de cette branche avant sa fusion prochaine. À noter que les activités traditionnelles de DOCAPOSTE (éditique et chèque) sont en augmentation, essentiellement grâce aux transferts des activités provenant des centres financiers de la Maison mère. Si on peut expliquer ce transfert pour éviter des suppressions d’emplois, cela n’empêche pas de penser que ces activités étaient correctement effectuées par les collègues de la Maison Mère. Mais surtout cela n’empêche pas la direction de restructurer DOCAPOSTE DPS et BPO IS, en programmant des plans de départs volontaires. On peut même penser que la direction continuera à supprimer des emplois dans les années qui viennent.
Les chiffres présentés en juillet 2021 sont encore une fois conformes à la stratégie de l’entreprise. Un appétit international de plus en plus important au détriment des activités traditionnelles de La Poste. La fusion du Réseau et du numérique, le découpage comptable de La banque en quatre grands pôles participent à cette stratégie. Pour l’administrateur SUD PTT, il faudrait avant tout remettre le service public au cœur des décisions et arrêter de le considérer comme une charge. Mais cette perspective relève avant tout d’une volonté politique des actionnaires et en premier lieu de l’État.
Résultat Net Part du Groupe (RNPG) et Résultat d’exploitation (REX) : pourquoi changer ?
Auparavant, la direction se basait sur le REX pour afficher ses résultats. Avec l’arrivée de la CNP, elle a changé de fusil d’épaule. Elle se base maintenant sur le RNPG. Non seulement ce sont les résultats auxquels on a retiré les impôts, mais ce qui est plus notable c’est que
dividendes minoritaires dans la CNP sont déduits (alors que comptabilisés dans le résultat d’exploitation). Ce résultat est donc difficilement comparable à 2019
1Voir le communiqué SUD PTT sur ce lien : http://www.sudptt.org/Comptes-semestriels-Augmentation-du-timbre-Livret-A-Les-contreparties-ont
2Pour rappel, la direction a affiché des bons résultats qui lui ont permis de se satisfaire de l’opération Mandarine. Résultat qui n’ont pas été dans les poches des postier·e·s puisque l’intéressement a été maintenu à zéro.
3 La direction déclare souhaiter ne plus faire appel à de l’emprunt pour acheter de nouvelles entreprises
4 Impact de la digitalisation des factures du stockage du papier sur la baisse du courrier.
5 Pour rappel le coefficient d’exploitation doit être le plus bas possible.
6 Pour rappel, la Poste achète des minutes et de la data à SFR