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Billet de blog 9 mars 2025

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L'Europe, L'Europe, L'Europe

Un claquement de doigts. Il a suffi d’un claquement de doigts pour que l’Europe trouve 800 milliards d’euros pour se réarmer et (tenter de) faire de l’Union une puissance guerrière. Il a suffi de « 5 minutes de courage » aux 27 pour trouver les ressources qu’ils ont toujours refusées à la construction d’une Europe sociale.

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Un claquement de doigts. Il a suffi d’un claquement de doigts pour que l’Europe trouve 800 milliards d’euros pour se réarmer et (tenter de) faire de l’Union une puissance guerrière. C’est-à-dire le contraire de ce pour quoi elle avait théoriquement été créée. Il a suffi de « 5 minutes de courage » aux 27 pour trouver les ressources qu’ils ont toujours refusées à la construction d’une Europe sociale. Fini les sacro-saintes — et aberrantes — règles budgétaires héritées du Traité de Maastricht. Vogue la galère le déficit du moment qu’il finance les dépenses militaires. On pourra puiser dans le Plan de Relance. Naturellement au détriment du social et de l’environnement ( déjà réduit à la portion congrue par la Commission la plus à droite de l’histoire communautaire). Et cela alors qu’une bonne partie de ces largesses iront alimenter les bénéfices de l’industrie militaire américaine.

Le discours est pathétique. En quête désespérée de popularité, Emmanuel Macron, gonflé de son importance nucléaire, emprunte le treillis de Bernard Henri Lévy et adopte la seule posture qu’il n’a pas encore tentée : celle du Chef de guerre. Le nouveau chancelier allemand revêt lui aussi l’uniforme et jette aux orties l’orthodoxie budgétaire que Berlin a toujours opposée aux revendications sociales. Quant au ministre belge de la défense, il n’apparait plus sur les réseaux sociaux qu’en battle-dress. Le plus consternant est que cette Europe réarmée n’est construite sur aucune véritable politique, sinon celle de jouer les supplétifs d’ une Alliance Atlantique désormais en déshérence. Pendant trois ans, l’Union a été incapable de dessiner la moindre initiative diplomatique pour tenter de trouver une issue à la guerre en Ukraine. Sa seule politique a été de fournir des armes à Kiev. Et c’est bien aujourd’hui la principale voie qu’elle privilégie. La solidarité avec l’Ukraine agressée ne devait pas empêcher de prendre des initiatives politiques. Et l’affirmation d’  « une menace existentielle » » que la Russie ferait planer sur l’Europe est contredite par la plupart des données économiques, politiques et militaires dont on dispose. Même si escalade et provocations, de part et d’autre, ne sont jamais à exclure.

Ce n’est évidemment pas le seul domaine où cette Europe-là s’est définitivement discréditée sur le plan diplomatique : le silence complice face au gouvernement génocidaire israélien restera comme une des plus grandes taches de son histoire.

Devant cette évolution majeure de l’Union Européenne qui risque de fixer le destin du continent pour des décennies, le manque de réaction politique est frappant. Les partis traditionnels de droite et de gauche approuvent ou se taisent, le Parlement Européen est absent. Au niveau de la Commission, les discours les plus stupéfiants circulent témoignant d’un état d’esprit inquiétant. Il y a quelques jours, après avoir annoncé « que la guerre était à nos portes », Hadja Lahbib, la Commissaire à l’aide humanitaire [1]expliquait doctement pour justifier son action que « c’est l’absence de ressources, c’est le déplacement de population qui déstabilise et qui crée des crises et des guerres » ! Jusqu’ici on pensait que c’était précisément les guerres ( de toute nature) qui déstabilisaient et qui provoquaient les déplacements massifs de population. Ce renversement de paradigme en dit long sur un certain désarroi idéologique.

Il y avait eu, en 1965, cette phrase du Général de Gaulle : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : “L’Europe, l’Europe, l’Europe”, mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien… »[2] Aujourd’hui le cabri a revêtu l’uniforme, mais cette Europe belliciste peut menacer l’existence même du continent.

[1] Hadja Lhabib, ancienne ministre belge des Affaires Etrangères, appartenant au Mouvement Réformateur, libéral (droite radicale) sur Matin Première ( Rtbf-Radio) le 07/03/25

[2] Le Général De Gaulle répondait au journaliste Michel Droit  entre les deux tours de la première élection présidentielle  au suffrage universel de 1965.

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