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Billet de blog 26 avril 2022

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Les obligés de la présidentielle

Macron "obligé" par le vote anti Le Pen, certes. Mais d'une certaine manière Mélenchon est aussi "obligé" par le vote utile qui s'est porté sur lui au premier tour. La responsabilité de LFI est à la hauteur de l'espoir qu'elle a rassemblé.

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Lundi matin, deux titres de la presse française résumaient parfaitement le sens et les limites de la victoire d’Emmanuel Macron : « Notre obligé » en une de « L’Indépendant » de Perpignan et « Merci qui ? » de Libération, plus coutumier des titres «  ramassés ». Car si la victoire de Macron est dans la fourchette haute des prévisions sondagières, un examen plus attentif des résultats la relativise fortement. Par rapport aux électeurs inscrits, le président réélu ne totalise que 38,5 % des voix. Un peu mieux que Pompidou en 1969, le président le plus mal élu de l’histoire de la Ve République. Avec 28,01, %, l’abstention, elle aussi, approche le record de 1969. Par ailleurs, les 42 % d’électeurs Insoumis qui ont voté Macron (nettement plus que prévu) ont eu un impact décisif sur le résultat final. Plus subtil que bien de ses lieutenants qui criaient à la victoire historique (le premier président réélu sans cohabitation), Macron a adopté un profil modeste insistant sur ce qui « l’obligeait » dans ce vote. Le profil idéologique et personnel du président fait douter de cette capacité à « l’obligation »,  mais attendons les faits.

L’autre élément de ce scrutin est la défaite prometteuse pour Marine Le Pen. Là aussi les chiffres sont sans contestation. Score record (près de 42 %) pour l’extrême droite, mais surtout amplification majeure de son implantation électorale et territoriale. Les grandes zones d’influence du RN s’étendent comme jamais : le Nord, le Nord Est, le Centre, les Sud-Est et Sud-Ouest. Il s’agit bien d’une implantation nationale. Et désormais aucune région n’est épargnée. Marine Le Pen arrive en tête dans 28 départements (contre 2 en 2017) et dans 18 000 communes (sur 35 000) et progresse dans 32 000 d’entre elles. Des chiffres qui, au-delà des échéances électorales, en disent long sur le rapport de force idéologique et culturel.

Autant dire que la bataille des législatives (12 et 19 juin) sera un « 3e tour » qui n’aura jamais été aussi incertain. Pour la première fois sans doute, depuis l’instauration de l’élection du président au suffrage universel, le vainqueur n’est pas assuré d’une majorité parlementaire. Il a face à lui deux « blocs » : l’extrême droite et la gauche, si elle arrive à s’unir. Avec son résultat du premier tour, Jean Luc Mélenchon est désormais le leader incontestable- et incontesté- du « bloc populaire ». Les négociations sont en cours avec les Ecologistes et le PCF, le PS étant encore dans les marges dont il n’est pas certain de s’extraire (et le faut-il vraiment ?). La responsabilité de la France Insoumise est à la hauteur de son succès du 1er tour. Elle ne peut pas faire abstraction du bénéfice du vote utile provenant d’autres familles de gauche. Mélenchon sera-t-il capable, cette fois ci (contrairement à 2017) de traduire un succès présidentiel en une victoire législative ? De rassembler sur quelques points essentiels (la planification écologique, les retraites, le RSA, la fiscalité, les institutions démocratiques), non pas des supplétifs, mais des alliés ? Toute la question est là et elle doit être réglée en quelques jours. Imposer le report automatique des scores présidentiels dans la répartition des candidatures législatives — et assurer la prédominance absolue de la LFI — sans tenir compte d’autres critères (implantations locales notamment) est la garantie de l’échec. L’intelligence politique, le respect du pluralisme à gauche, les exigences d’un combat idéologique commun face à la droite et à l’extrême droite obligent…

Macron se dit obligé par le vote de ceux qui ont voulu faire barrage à l’extrême droite, Mélenchon est obligé par le vote utile qu’il a rassemblé. Il y a là quelques responsabilités historiques…

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