Aux dernières nouvelles, le Ministre de l'Economie reconnait s'être trompé dans son projet de réforme des notaires, tout au moins en ce qui concerne leur tarif.
Cet aveu, révélateur de l'amateurisme du gouvernement et de la commission spéciale présidée par Mme UNTERMAIER, n'est il pas en réalité qu'une nouvelle maneouvre dont le résultat serait finalement pire que la première version?
UN AMATEURISME ASSUME....
En admettant s'être trompé sur la réforme du tarif des notaires, Emmanuel MACRON fait amende honorable, et il faut bien lui reconnaitre ce courage, peu courant dans le monde politique.
Ceci étant, il aurait pu éviter un tel camouflet (mais en est-ce-bien un?) , s'il avait accepté d'écouter (et non seulement entendre) les professionnels concernés qui n'ont cessé de l'alerter sur les conséquences de sa réforme: suppression de l'obligation d'instrumenter (c'est-à-dire le fait pour un notaire de ne pouvoir refuser d'établir un acte, même à perte), de la garantie collective (dont l'une des conséquences méconnues mais quotidienne est de permettre au vendeur de percevoir son prix immédiatemment, sans attendre la publication de son acte au fichier immobilier), del'Association Notariale de Caution (qui facilite l'installation des jeunes notaires), de la CRPCEN (caisse de retraite des notaires et de leurs employés, caisse indépendante alimentée par un prélévement sur les honoraires), de la formation assurée et financée par la profession, tant des collaboraters que des futurs notaires....
Car la profession de notaire est construite sur un ensemble de règles contraigantes, mais qui en assure la cohésion. Toucher à l'un de ces éléments met en péril l'ensemble de la construction.
Il est donc rassurant de voir le Ministre de l'Economie revenir sur sa réforme, comme il a pu être rassurant de voir Mme UNTERMAIER proposer un amendement supprimant le corridor tarifaire, au motif de son incompatibilité avec l'obligation d'instrumenter. Mais aussi rassurants soient-ils, ces changements de position ont de quoi inquiéter tant ils sont révélateurs d'un amateurisme à peine voilé, l'ensemble des informations touchant à l'organisation de la profession ayant été communiqué à Mme UNTERMAIER et M MACRON, bien en amont de la discussion du projet de loi en assemblée.
Mais cette inquiétude n'est que secondaire face à celle que devrait provoquer le nouveau système envisagé.
....OU UN ENFUMAGE EN REGLE?
Car le système proposé, en remplacement du "corridor tarifaire"initialement prévu, est pire que celui-ci.
Il prévoit en effet que, pour les ventes moyennant un prix inférieur à 300.000€, les honoraires puissent faire l'objet de remises partielles de la part du notaire, les ventes moyennant un prix au-delà de 300.000€ étant rémunérées par un tarif non négociable.
Comment imaginer qu'un acquéreur ne demande systématiquement à son notaire de lui accorder une remise partielle, faute de quoi il ira chez le notaire voisin?
Le législateur sait-il que, pour de nombreuses études, et notamment en milieu rural, le prix de 300.000€ est très rarement (voir jamais) atteint?
Le système de péréquation interne à chaque étude, qui fait que les actes "sur rémunérés" compensent la production à perte des "petits actes", sera remis en question, la plupart des études produisant 70% de leurs actes à perte (il ne s'agit pas ici de se plaindre, mais de faire part d'un constat économique).
C'est ignorer également que la production d'un acte s'acompagne le plus généralement de conseils donnés en amont (et tous les conseils donnés ne débouchent pas toujours sur un acte, loin s'en faut, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là).
Enfin, c'est ignorer que le maillage territorial assure un meilleur accès au droit que les Maisons de Justice, auxquelles les notaires doivent néanmoins participer, participation accrue par le projet de péréquation inter-professionnelle.
LA CONCURRENCE SUR LES PRIX,SEUL CREDO DE M MACRON
Un autre élément de cette réforme devrait inquiéter, non seulement les professionnels mais également les citoyens, c'est la place de plus en plus importante donnée à l'Autorité de la Concurrence, dont les compétences et attributions sont sans cesse élargies.
Ainsi, l'Autorité de la Concurrence aura voix consultativedans la fixation du tarif des notaires.
Lorsque l'on sait que l'objectif affiché par l'ADLC est de garantir un service au meilleur prix pour le consommateur, quelles que soient les conditions de production et les garanties dont il pourra bénéficier, on est en droit de s'interroger sur la pertinence de cette délégation de compétence dans un domaine dans lequel l'Etat délégue une partie de son autorité, et dans lesquel les relations personnelles et les qualités humaines des intervenants sont déterminantes.
Il est en effet inquiétant d'aborder la question de la rémunération des notaires sous le seul prisme du meilleur coût, tenant compte du prix de revient, sans que ne soient déterminés les éléments pris en compte pour ce faire, et notamment les garanties offertes par ces professionnels, et sans tenir compte de la péréquation interne à chaque étude ainsi qu'il a été dit supra.
Il est anormal que l'autorité de tutelle de la profession concernée, à savoir la Ministre de la Justice, ne participe pas à un débat qui ne concerne pas seulement une profession, mais un système juridique, et à travers lui un type de société.
Enfin, il est anormal que le statut d'officier ministériel soit laissé au seul bon vouloir d'un organisme ayant une approche exclusivement économique, alors que l'on touche là au coeur de vie des citoyens, les notaires intervenant pour les étapes importantes et marquantes d'une vie, le PACS, le mariage, l'achat du logement familial, le divorce, la préparation de la transmission, la succession...
ET SI L'ON RECRUTAIT LES MINISTRES SUR APPEL D'OFFRE?
Si cette réforme aboutissait , on serait en droit de s'attendre à ce que les ministres soient recrutés sur appel d'offres, afin de garantir au consommateur (puisque maintenant tout le monde est consommateur avant d'être plombier, médecin, fonctionnaire ou ecclésiastique) le meilleur prix du service de l'éxécutif, et que l'ADLC soit mise en concurrence avec d'autres structures susceptibles d'assurer le même service au moindre coût, et là les français retrouveraient du pouvoir d'achat!
Ceux qui objecteraient qu'il s'agit là d'un service public pour s'y opposer montreraient leur méconnaissance de ce qu'est la profession de notaire, qui est avant tout un service public.