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Billet de blog 8 avril 2016

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LA TRANSITION EN MARCHE OU LA MACRONECONOMIE?

A côté des partis classiques, deux mouvements "citoyens" émergent: La Transition, et En Marche. Mais ont ils un véritable projet de société à proposer à leurs adhérents?

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S’il est amer, le constat n’en est pas moins commun: la classe politique actuelle est totalement déconnectée de la société civile. Le fossé entre décideurs et administrés se creuse de plus en plus, les normes se multiplient alors que les gouvernants annoncent la simplification administrative, et l’organisation sociale et économique, telle qu’elle existe actuellement, ne correspond plus ni à ceux qui la composent, ni à l’évolution technologique et des modes de production et de consommation.Les hommes politiques sont plus soucieux d’assurer leur réélection que de l’application du programme pour lequel ils ont été élus. Ils parlent stratégie électorale, comme si les élections étaient une guerre à mener et les électeurs des personnes à convaincre, quitte à leur mentir.La politique menée depuis plusieurs dizaines d’années conduit à la désertification de nos campagnes, à la publication de normes toutes plus infondées les unes que les autres, la multiplication de commissions ou d’instances para gouvernementales dont le seul objectif est de justifier l’existence de ceux qui en ont décidé la création.L’Etat veut moins d’état, pour libérer les énergies, mais produit toujours plus de contraintes inutiles. Même chose pour la Commission Européenne, dont les recommandations à la France préfigurent la politique intérieure à venir. La lecture de ces recommandations confirme que ceux qui veulent nous gouverner sont bien loin des questions qui nous préoccupent, mais semblent plus sensibles à assurer la progression des grands groupes financiers.L’utilisation des nouvelles technologies amplifie le mouvement de déshumanisation de notre société, même si à l’ inverse elle facilite les relations entre leurs utilisateurs. Le temps est au partage, au louage de services et de biens, facilité pas la révolution numérique. Chacun s’en félicite et l’emploie à l’envi, pensant que cela ne peut être que bénéfique. On pratique l’automédication, on note le voisin, les Likes vont remplacer les diplômes selon notre jeune ministre de l’ économie....mais chacun demain pourra être noté ( et pas toujours avec bienveillance et exactitude) par son voisin, son savoir -faire acquis au fil des ans sera piraté par d’autres...On ne peut bien évidemment refuser l’évolution technique et numérique, mais cela ne vaut que si cette évolution est maîtrisée, et qu’elle permette de garder du lien social, et du service public. Elle amplifie également le mouvement de désertification de nos campagnes, et chacun de nous en est responsable: il est effectivement plus facile de commander un livre sur Amazon que de se rendre chez le libraire du coin. Ce faisant, petit à petit, chacun contribue à la suppression de ces lieux d’échange et de service que sont les commerces de proximité, et j’y inclus certaines professions telles que les pharmaciens. La suppression des points de vente entraine la suppression d’emplois, d’habitants, de familles, d’écoles...et l’état, schizophrène par nature, va contraindre des médecins à s’installer dans les campagnes, en leur imposant toujours plus de paperasserie, alors que lui -même supprime des services publics de proximité, perceptions, écoles, hôpitaux.,..Mais surtout, on assiste à un déplacement du clivage politique. A l’ancien clivage opposant droite et gauche, patrons et salariés, le clivage oppose maintenant ceux qui se complaisent dans le système sociétal et économique actuel, qui transfère le pouvoir aux financiers, et ceux qui aspirent à un système économique basé sur l’humain. La véritable question, donc, est de savoir si le système économique actuel, dans lequel le capital est mieux rémunéré que le travail, dans lequel les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, est celui voulu par la majorité.Ce déplacement du clivage politique a bien été compris par les fondateurs du mouvement qui se veut citoyen "La Transition", et par Emmanuel Macron, lorsqu'il a créé son propre mouvement "En marche".La Transition, en axant sa communication sur le non cumul des mandats, répond à l’attente des électeurs: que le candidat qui sera élu soit totalement détaché de tout souci de plaire ou de déplaire, car quoiqu’il fasse il ne pourra se représenter. Ceci posé, le non cumul des mandats, préalable indispensable, ne saurait en lui-même constituer un programme, ni un catalyseur, ce mouvement citoyen voulant être transversal, au-delà des partis classiques. La véritable question qui se pose est celle de la détermination du projet de société qui sera porté par le candidat pressenti. Et là, deux conceptions sont concevables: celle de l’ultra libéralisme, qui se développe insidieusement, avec toujours moins d’état et toujours plus de (fausse) liberté, et celle de la préservation d’une certaine dimension humaine dans l’action politique, les rapports sociaux, et de la sauvegarde d’une certaine idée de ce que doit être le service public.Et la réponse n'est pas évidente à la lecture des contributions mises sur le site de La Transition. Si certaines veulent conforter la ruralité, d'autres défendent l'Europe, dont on sait que la technocratie gouvernante ne s'accomode pas d'humanisme.Sur les réseaux sociaux, certains ont même été jusqu'à imaginer que ce mouvement avait été créé de toutes pièces pour promouvoir les idées d'Emmanuel Macron. Pour avoir assisté à l'une de ses réunions, à laquelle participaient principalement des électeurs de la gauche historique et des Mélenchonistes, je me dis que si c'est le cas, alors il y a soit erreur de casting, soit tromperie sur la marchandise. En tout cas, j'ai pu noter que la majorité des présents étaient ouverts d'esprit, mais que tous défendaient une vision de la société replaçant l'homme, et non la finance, au centre du système sociétal.Quand à la question du positionnement du mouvement "En marche" de notre jeune ministre de l'économie, la question ne se pose pas, celui-ci affichant un libéralisme aussi scintillant que sa dentition. On peut réformer un pays en promettant de faire sauter les verrous, de crever les plafonds de verre, de faire jouer l'ascenseur social, encore faut-il pour que cela donne envie d'y vivre que l'on en préserve les spécificités, ce qui en fait sa marque de fabrique, que la base s'y retrouve. Cela suppose que l'on puisse se détacher d'un certain dogmatisme, que l'on puisse -sincérement - admettre ses erreurs, et surtout qu'avant de réformer on comprenne comment une société a pu se construire. Jusqu'à présent, notre jeune ministre de l'économie s'est contenté de porter des réformes qui étaient soit imposées par Bruxelles, soit concoctées par des technocrates hors sol -quand ce n'était pas les deux à la fois.Il serait donc bon que chacun de ces mouvements, qui se veulent transversaux et transpartisans, déterminent leur approche de la société de demain, qui ne pourra par principe être à la fois ultra-libérale, et humaniste.Il leur faudra alors inventer un mode d’organisation sociale et économique dans lequel chacun soit rémunéré en fonction de la valeur ajoutée qu’il apporte, et non en fonction de son train de vie ou la qualité des câbles qui lui permettent de transmettre ses ordres de bourse. Un modèle économique dans lequel la spéculation sur la baisse et la rareté organisée de produits soient sanctionnées.Un modèle politique dans lequel le gouvernement gouverne, et non la finance ou d’obscures officines de privilégiés qui se répartissent le pouvoir mondial.Un modèle dans lequel les obligations des uns et des autres soient proportionnées, justifiées et non clivantes.Un modèle économique ou la question même du bien-fondé de la course à la productivité se pose, alors que la seule course qui vaille est celle du bien-être de tous.Un modèle économique respectueux de l’Homme et de la Nature.Au début du XXe siècle, était publié un recueil d’articles du penseur russe (accessoirement anarchiste) Pierre Kropotkine, sous le titre « L’entraide, un facteur de l’évolution ». L’auteur y démontrait que, contrairement à la thèse de Darwin, c’est l’entraide, et non la sélection naturelle, qui permettait à l’homme d’évoluer et de s’adapter.Une bonne base de réflexion pour réinventer la société de demain.

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