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Billet de blog 11 septembre 2015

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LE NOTAIRE ET LE SERRURIER

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un beau jour de printemps Maitre Talon, notaire de son état,constata en arrivant à son étude que la serrure en avait été fracturée, et qu'un larcin y avait été commis.

Appelant alors le serrurier pour remettre la porte en état, celui-ci lui dit tout de go:

" Vous savez, cher Maître, il n'est de meilleure protection qu'une porte blindée , c'est la sécurité garantie. Un peu chère certes, mais la sécurité de votre étude et des secrets qu'elle renferme vaut bien cette dépense".

Fort de cet argument et conscient de la garantie qu'il devait à ses clients, le notaire puisa dans sa cagnotte la somme astronomique, mais nécessaire, à la pose de la porte inviolable, qui lui apporterait ainsi la sécurité garantie.

Quelques mois passèrent, et un jour d'Automne notre notaire vit arriver dans son étude son ami serrurier qui lui exposa son nouveau projet: acheter à son voisin un lopin de terre, pour un prix minime, afin de pouvoir y construire un nouvel atelier. Mais le maître ferronier avait entendu parler d'hypothèques, de servitudes, de dispositions d'urbanisme, de pollution des sols... bref, de toutes sortes de choses qui ne cessaient de l'inquiéter.

Conscient de ce que la rémunération du notaire ne serait pas à la hauteur de la garantie qu'il en attendait, il lui tint à peu près ce langage: "Mon cher Maitre, je sais que votre compétence en matière de vente n'est plus à prouver, vous êtes connu pour cela comme tous vos semblables, mais je crains que, compte-tenu de la faible rémunération que vous allez percevoir, votre attention pour déjouer les pièges de l'opération ne soit moins forte que si je m'étais porté acquéreur d'un château. Je suis donc prêt à doubler, que dis-je, à tripler vos honoraires, afin que vous me fassiez un acte blindé".

Immédiatement le tabellion lui répondit, tout simplement: " Mon ami, saches que ma rémunération est fixée de telle façon que les honoraires qui me seront versés par l'acquéreur du château qui te fait tant rêver compenseront ma faible rémunération sur ton opération, car vous avez droit l'un et l'autre à la même sécurité juridique, quelle que soit votre fortune. Tu me verseras donc l'argent que tu me dois, pas un denier de plus, pas un denier de moins. Il en sera de même pour l'acquéreur du château. Cela se fera tant que ni l'un, ni l'autre, ne discuterez ma rémunération. Mais si un jour, l'acquéreur  du chateau réduit ma rémunération, alors je demanderais pour ton acquisition l'équivalent du prix de la porte que tu as posé en mon étude. A défaut, je te ferais un acte au rabais, sans garantie aucune."

Morale de l'histoire: La pose d'une porte blindée pour le prix d'un simple verrou ne peut se faire que si cette perte économique est compensée par un gain plus important sur un autre travail. On ne peut donc exiger un niveau de sécurité équivalent pour tous que si son coût est justement réparti entre tous. A oublier ce principe d'équilibre économique, on conduit le serrurier à prétendre que la sécurité apportée par un simple verrou équivaut à celle d'une porte blindée.

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