D' un abord sympathique, l'œil vif et le sourire charmeur, Emmanuel MACRON ne cesse de vouloir surprendre, se positionnant volontairement en dehors des partis. Revêtant sciemment l'habit du jeune politique maladroit dans ses déclarations, il semble aller à l'encontre de la ligne politique qui devrait être celle d'un membre du gouvernement.
Véritable maladresse ou calcul politique? L'avenir nous le dira, M Macron n'ayant toutefois pas le profil d'un maladroit.
Ce qui est par contre certain dès à présent, c'est que la personne est pleine d'incohérences. Ce qui en soit ne serait pas dommageable, si cette incohérence ne transparaissait dans son projet de loi.
En quoi Monsieur MACRON est-il incohérent ?
Il l'est tout d'abord dans sa personne, puisque s'ii confiait récemment à un journal britannique que, lorsqu'il travaillait en banque(2008-2012) il avait l'impression de se prostituer, cela ne l'a pas empêché de s'épanouir dans cette activité professionnelle, y trouvant une certaine satisfaction. Pour quelqu'un qui déclare vouloir vivre librement ses convictions, c'est un peu court, et prions qu'il ne soit pas contarint contre ses convictions de retourner travailler dans le secteur bancaire.
Incohérent également lorsqu'il critique ouvertement les primes de bienvenue ou les retraites chapeau, alors que pour la prime de bienvenue offerte par SANOFI à Olivier BRANDICOURT, il lui suffisait d'appeler directement son ami Serge WEINBERG Président du Conseil d'Administration de la même société afin de régler ce problème.
Incohérent toujours lorsqu'il juge les revenus des notaires trop élevés, tout en souhaitant que le maximum des jeunes aient envie de devenir milliardaires, et en ayant lui-même gagné près de 2,5 millions d'euros en deux ans ( 2011-2012) chez Rotschild.
Incohérent lorsqu’il se base sur un rapport notant que le notariat doit être réformé parce qu’il date de 1816, alors que l’Inspection Générale des Finances, dont il est issu, date de 1814.
Incohérent lorsqu’il explique que sa réforme a pour but de redonner du pouvoir d’achat aux français, peu de mois après que les taxes fiscales perçues sur les ventes immobilières aient été augmentées pour un montant à peu près équivalent aux honoraires de notaire.
Incohérent encore lorsqu'il reconnait que François Hollande n'occupe pas la fonction présidentielle, mais accepte de rester dans le gouvernement.
Incohérent toujours et encore lorsqu'il veut supprimer les soit disant privilèges de certaines professions mais exprime ouvertement sa nostalgie du régime monarchique.
Incohérent enfin lorsqu'il dit avoir exercé une activité bancaire afin d'avoir assez de patrimoine pour ne dépendre de personne, et ne faire aucune déclaration d'ISF malgré le patrimoine de son épouse (pour mémoire, rappelons que jusque 2011 le seuil de déclenchement de l'ISF était de 800.000 €).
Ces incohérences, outre qu'elles soient révélatrices d'un certain manque de convictions, ou plus exactement d'un irrespect total des convictions qu'il affiche, se retrouvent dans le projet de loi qui porte son nom.
-Tout d'abord, dans sa conception:
Ainsi, dans l'interview que notre jeune ministre de l'Economie a accordé à l'hebdomadaire "le 1" du 8 juillet 2015, il nous explique que " cette idéologie ( construction intellectuelle qui éclaire le réel en lui donnant un sens ) doit être prise dans une technique délibérative,se confronter sans cesse au réel..". Or, quelle a été sa confrontation au réel, mises à part des auditions au sein de commissions spéciales? La véritable confrontation au réel aurait été d'aller à la rencontre des professionnels concernés, sur le terrain, au plus profond de nos campagnes. La confrontation dans la moiteur d'un bureau parisien n'a rien d'une réalité pour le bouseux provincial que je suis.
- Ensuite, dans son contenu:
-Ainsi, l'activité des huissiers de justice et des notaires, qui relevait jusqu'à présent du Ministère de la Justice, sera dorénavant du ressort du Ministère de l'Economie et de l'Autorité de la Concurrence. Comme s'il était cohérent de soumettre une activité relevant de la puissance publique aux dispositions du Code de Commerce et au contrôle de l' ADLC.
-Laquelle Autorité de la Concurrence, très curieusement d'ailleurs, fait tout pour accroitre son monopole, avec la rallonge budgétaire correspondante, alors qu’elle est censée stimuler la concurrence.
-Sur le tarif des notaires, celui-ci devra être établi en tenant compte du coût effectif de l’acte, augmenté d’une juste rémunération. Ce qui signifie que les actes ayant la plus forte pertinence sociale (notoriétés après décès, PACS, servitudes… fortement sous rémunérés selon le tarif actuel) devraient voir leur coût augmenter de façon exponentielle, et ce au détriment des clients les moins aisés. Pour une loi censée être sociale, l’objectif n’est pas atteint.
-Dans un esprit de libéralisation de ces activités, l'ADLC déterminera des zones carencées, dans lesquelles les professionnels concernés qui le souhaiteraient pourront s'installer librement.Ces zones carencées sont donc celles dans lesquelles on peut supposer que les professionnels remplissant les conditions d'installation iront en premier.
Or, le même projet de loi prévoit que si dans ces zones aucun professionnel ne s'installe, les instances professionnelles devront alors imposer à leur membre d'assurer des permanences, sous contrôle du Minsitère de la Justice.
D'un côté, on libéralise l'installation des professionnels non installés, de l'autre on sanctionne doublement les professionnels installés. Aucune cohérence, sauf si l'objectif poursuivi est la destruction de cette profession par implosion.
-Toujours au titre de l'installation, ce projet de loi instaure une liberté d'installation totale, sans aucun contrôle à priori.
D'un autre côté, on oublie de réformer la procédure de nomination des notaires repreneurs d'un office existant , ainsi que ceux ayant postulé à une création d'office, qui elle est soumise à un contrôle préalable renforcé.
Ici encore, on libéralise à outrance pour les nouveaux installés, tout en restreignant l'accès de ceux qui suivent la procédure classique d'installation. Cohérence de l'implosion d'une profession?
-Quant aux sociétés interprofessionnelles, on ne se soucie guère des différences existant entre les règles déontologiques, permettant même la détention d'offices notariaux par des professionnels étrangers, sans même être certain que ces professionnels étrangers aient des règles de compétence et des règles déontologiques identiques à celles applicables aux professionnels français.
L'interview donnée récemment par notre jeune ministre de l'économie au journal "le Un" nous permet de mieux comprendre ce qui motive ce philosophe politique (ou ce politique philosophe ?) à tenir tant à sa loi.
Il y dit effectivement que "l'animal politique a besoin de donner du sens à son action". Ainsi, la loi MACRON est faite pour permettre à l'animal politique qu'est notre ministre de l'Economie de satisfaire à son besoin de donner du sens à son action, indépendamment de son bien-fondé.
C'est bien là ce qui lui est reproché, comme à bien d'autres : ne voir que leurs intérêts personnels , et non l'intérêt général qui devrait animer n'importe quel homme politique ( sur la distinction Homme/ Animal, reprenons l'idée de Paul Ricoeur, reprenant lui-même celle de Weber, selon lequel "l'homme est un animal suspendu à la toile des significations qu'il a lui-même tissée").
Et ce ne sont pas les notions de verticalité ou d'horizontalité, exposées par Monsieur MACRON dans cette interview, qui nous rassureront face à la verticalité abrupte d'un triple 49-3.