Hugues Poltier

Philosophie, politique – Enseignant-chercheur en philosophie à l'Université de Lausanne

Abonné·e de Mediapart

26 Billets

1 Éditions

Billet de blog 14 février 2022

Hugues Poltier

Philosophie, politique – Enseignant-chercheur en philosophie à l'Université de Lausanne

Abonné·e de Mediapart

L'éléphant sous la moquette : la démocratie muselée par les parrainages

Un spectre hante la présidentielle : la chasse-gardée jouée par la règle des 500 parrainages. Du coup, l'élection pourrait être jouée avant même le premier tour. Effrayant ! et ne l’est pas moins le silence médiatique imperturbable sur cet enjeu d’une élimination de plus de 40% des intentions de vote au premier tour par échec aux parrainages. Circulez, y’a rien à voir…

Hugues Poltier

Philosophie, politique – Enseignant-chercheur en philosophie à l'Université de Lausanne

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jour après jour, alors que se rapproche le délai d'inscription officielle à la candidature à la présidentielle avec dépôt des parrainages auprès du Conseil constitutionnel, fixé au 4 mars prochain, se fait de plus en plus probable, insistante, la possibilité, voire la probabilité que trois des grands candidats (celleux rassemblant 10% et plus d'intentions de vote dans les sondages publiés; et totalisant à eux trois plus de 40% des intentions de vote du 1er tour) ne puissent se présenter au 1er tour de la présidentielle.

Plus qu'une vingtaine de jours pour atteindre le seuil qualificatif des 500 signatures. Vingt jours, c'est beaucoup dira-t-on peut-être... Certes. Mais s'ils ont échoué à les réunir à ce jour, qu'est-ce qui donc pourrait tout à coup accélérer leur récolte pour permettre le quasi doublement des signatures obtenues jusqu'ici? Franchement, ce "quelque chose" semble bien ne pas devoir se produire. Sauf ordre "venu d'en haut" – un "en haut" qu'effraierait le ridicule d'une élection présidentielle "censurée" par la classe politique installée.

Ubu menace cette présidentielle 2022.

Va-t-on vers un monarque-président élu au cordeau contre quelqu'un de son camp? Macron-Pécresse, c'est à peu près bonnet blanc et blanc bonnet... C'est ça le scénario?

Mesurons bien la portée de l'événement.

Imaginons-nous le 5 mars 2022. La nouvelle tombe, officielle: les pré-candidatures Zemmour, Le Pen, Mélenchon ne sont pas confirmées: iels ne seront pas formellement candidats à la Présidentielle 2022, faute d'avoir atteint la barre des 500 paraphes ! Comment vont réagir leurs soutiens respectifs? Celleux qui voyaient dans leur personne le.a seul.e candidat.e pour lequel.le exprimer son premier suffrage? Evidemment, je n'en sais rien. Mais faire l'hypothèse que ça ne passera pas comme une lettre à la poste ne paraît pas extravagant. La campagne en sera rendue impossible; certains s'ingénieront, à CNews, en tout cas pour alimenter le ressentiment contre une issue aussi absurde et littéralement indigeste.

Quoi qu'il en soit, une des premières démocraties historiques pourrait, dans quelques jours, se retrouver dans cette situation aussi grotesque et effarante que scandaleuse : trois candidats totalisant plus de 40% d'intentions de vote au 1er tour en seraient exclus, cependant que des candidats "légers", sans prétention autre que de témoignage – Arthaud, Lassalle, Hidalgo – seraient admis à prendre part à la course. 

D'ici à conclure que la régularisation des candidatures de ces derniers aura été admise parce qu'ils ne représentent aucun risque pour les papables, il n'y aurait qu'un pas que beaucoup n'hésiteront pas à franchir. Tout comme ils ne reculeront pas devant la conclusion que, cette procédure ayant été une farce, iels ne s'estiment pas tenus par le résultat d'une élection faussée – avec un enjeu bidon, opposant des candidats d'accord sur tout ... sauf sur qui doit s'asseoir dans le fauteuil du monarque. On pourrait avoir une avalanche-record d'abstentions, votes blancs et nuls pour une présidentielle. L'élu s'en moquera, puisqu''ils ne sont pas décomptés et que le suffrage est validé, quel que soit le taux de participation, d'abstention, de votes blancs et nuls. Certes, mais …

De quelle légitimité "démocratique", au regard même du principe électif (dont je suis loin de partager les vertus démocratiques, mais tout de même ...) pourrait se parer pareille "élection" ?

Encore une fois, prenons la mesure du "scandale" : plus de 40% des votants privés du droit d'exprimer leur premier choix au premier tour ! Comment quiconque pourrait-iel considérer le résultat qui en sera issu comme légitime, du point de vue même de qui fait de l'élection l'alpha et l'oméga de la démocratie?

Mais aussi, je ne peux que répéter mon étonnement-point de départ: comment expliquer que cet enjeu soit à peine mentionné dans la conversation médiatique ? Et encore moins, bien sûr, débattu, discuté …  J'avoue en être abasourdi, choqué, assommé, éberlué ....

Bien ... ne reste qu'à attendre le 5 mars …

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.