Aujourd’hui, l’Histoire s’assombrit encore. Ton père, Nasser, est parti sans avoir eu la chance de te voir libre, sans avoir pu t’enlacer hors des murs de la prison. Son dernier souffle a emporté la douleur de l’injustice, mais aussi la certitude que ton combat, et le nôtre, n’était pas vain, et que la voix d’un peuple résonne toujours, même derrière les barreaux.
Toi, Nasser, tu as porté sur tes épaules la colère et l’espérance de milliers d’hommes et de femmes oubliés. Après la mort tragique de Mohcine Fikri en 2016, broyé dans un camion-benne par un représentant de l’autorité marocaine, tu es devenu le porte-voix d’une région marginalisée, réclamant dignité, justice et développement. Tu as été condamné à vingt ans de prison pour avoir revendiqué liberté, dignité et justice sociale. Mais ce sont tes geôliers qui, malgré eux, ont fait de toi un symbole.. un symbole de la résistance pacifique face à l’oppression.
À toi, père courage, oncle Ahmed, parti trop tôt, le cœur brisé, et le corps épuisé. Sache que ton amour et ton soutien à Nasser ont traversé les murs de la prison, et que ton sacrifice résonne en chacun de nous, dans le cœur de ceux qui refusent de se taire devant l’injustice.
À toi, mère de Nasser, Tante Zoulikha, je m’incline devant ta force silencieuse. Tu es l’image de toutes ces mères dont les fils croupissent derrière les barreaux pour avoir rêvé d’un avenir meilleur.. d’un Maroc plus juste. Je m’incline devant ta force. Toi qui portes en silence le fardeau d’une injustice qui déchire ton foyer et ton cœur.
Pardonnez-nous, vous les parents de Nasser, et les parents de tous les prisonniers innocents. Pardonnez notre silence, notre incapacité à briser ces murailles qui vous ont volé vos enfants. À toi, Ahmed, père courage, parti aujourd’hui le cœur meurtri, excuse-nous. Excuse notre impuissance à offrir à ton fils cette liberté que tu rêvais de le voir retrouver de ton vivant. Excusez notre faiblesse quand vous aviez besoin de notre force. Excusez nos voix trop timides, nos mains trop hésitantes. Mais sachez que nous ne sommes pas différents de vous, vos larmes sont nos larmes, vos blessures sont nos blessures. Nous portons la même douleur, nous partageons le même fardeau. Vos sacrifices sont devenus les nôtres. Ils ne s’effaceront pas, ils nous obligent. Nous vous devons la mémoire, nous vous devons la vérité, et nous vous devons de poursuivre ce combat que vous avez porté avec tant de courage et d’amour.
Et à tous les prisonniers politiques, connus et anonymes, je rends hommage. Vos noms s’inscrivent dans la mémoire du pays comme des flammes indomptables. Vous qui subissez la répression pour avoir osé parler, dénoncer l’injustice et revendiquer des droits élémentaires et légitimes ; vous êtes la preuve vivante que la dignité humaine ne peut jamais être emprisonnée. Les despotes pensent que les murs suffisent à faire taire un peuple. Mais l’Histoire finit toujours par briser les chaînes. Votre combat n’est pas vain. Il est inscrit dans la mémoire collective et inspire tous ceux qui refusent le silence et l’oubli.
À tous ceux qui résistent derrière les barreaux, à ceux qui veillent en silence et à ceux qui n’acceptent pas l’oubli. Votre nom, vos sacrifices, vos voix, s’inscrivent déjà dans l’Histoire. Vous êtes les gardiens d’une lumière que nul pouvoir ne pourra éteindre.
Nous n’oublions rien, et nous ne pardonnerons jamais !