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Billet de blog 2 avril 2016

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Iran : C’est le temps des missiles !

Les altercations et les coups bas entre Khamenei et Rafsandjani se multiplient ces derniers temps, signe d’une déstabilisation du système. La sortie de Khamenei, qui vise directement la remarque de Rafsandjani lorsqu’il défend un « temps des missiles » qui n’est pas « révolu », éclaire un peu plus les luttes de pouvoir qui déstabilisent le régime en interne.

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Illustration 1
Ali Khamenei a défendu les Gardiens de la révolution (Pasdaran), qui ont mené ces tests de nouveaux missiles, justifiant les essais balistiques par la nécessité pour la République Islamique de se défendre contre ses ennemis © JTM

Pour Ali Khamenei, « ceux qui disent que l'avenir passe par les négociations, et non par les missiles, sont soit des ignares, soit des traîtres » : c’est ainsi qu’est retranscrite, sur son site internet, la dernière déclaration du Guide suprême iranien, rapportée mercredi par l’agence de presse Reuters. 

Cette déclaration fait suite à un tweet de l’ancien président iranien Akbar Hashemi Rafsandjani, proche de la faction du président actuel Hassan Rohani, qui disait : « Le monde de demain est celui du dialogue, pas des missiles ». 

En effet, le régime a été dénoncé au Conseil de Sécurité des Nations Unies par les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne pour avoir contrevenu à la résolution 2231 du Conseil en procédant, au début du mois de mars, à des essais de missiles balistiques capables de transporter des ogives nucléaires.

Ali Khamenei a défendu les Gardiens de la révolution (Pasdaran), qui ont mené ces tests, justifiant les essais balistiques par la nécessité pour la République Islamique de se défendre contre ses ennemis : « dans le monde compliqué d'aujourd'hui et de demain, nous devons utiliser tous les moyens politiques, économiques, sociaux et de défense pour renforcer la position de l'Iran. »

Il a ajouté : « Les ennemis de la révolution (islamique) utilisent le dialogue, le commerce, les menaces militaires et tout autre moyen » contre les intérêts de l'Iran et « nous devons être capables de (...) nous défendre dans tous ces domaines » (AFP- 30 mars). « Si la République islamique cherche à négocier mais n'a pas le pouvoir de se défendre, elle sera à la merci des menaces de n'importe quel pays » (Reuters).

Les altercations et les coups bas entre Khamenei et Rafsandjani se multiplient ces derniers temps, signe d’une déstabilisation du système. Rafsandjani fut toujours l’un des piliers du régime et sous sa présidence l’Iran a commis de terribles actes de terrorisme et d’assassinats à travers le monde. Il défend pourtant, aujourd’hui, l’accord sur le nucléaire et un leadership collégial après la mort de l’actuel Guide.  

Le Guide suprême, pour le moins hostile à l’ouverture et à tout rapprochement avec l’Occident, a « mis en garde contre les risques « d’infiltration » étrangère engendrés par l’accord nucléaire conclu en juillet 2015. Mise en garde pour le moins ironique, quand on connaît la spécialité de Téhéran et des Pasdaran de s’ingérer lourdement et intensivement en Syrie, en Irak, au Yémen et dans les autres pays de la région.

De son côté, le Département du Trésor américain a bien estimé que ces activités de « défense » constituaient une violation des accords nucléaires, et a récemment sanctionné deux sociétés iraniennes directement impliquées dans le programme de missiles balistiques, en les ajoutant à sa liste noire, les privant ainsi d’accès au système bancaire international.

Il a également sanctionné deux hommes d’affaires britanniques, Jeffrey John James Ashfield et John Edward Meadows, qui ont fait affaire avec Mahan Air, une compagnie aérienne iranienne accusée de soutenir le régime du dictateur Bachar al-Assad dans la guerre civile en Syrie.

Les sociétés iraniennes sanctionnées par le Département du Trésor, Shahid Nuri Industries et Shahid Movahed Industries, dont le Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI) avait révélé l’implication dans le programme nucléaire iranien dès 2008, font partie du groupe Shahid Hemmat Industrial Group (SHIG), qui poursuit un programme de missiles dont les Pasdaran affirment qu’il « ne s'arrêtera pas quelles que soient les circonstances » (général Amir Ali Hajizadeh, commandant de la division aérospatiale des Pasdaran, le 10 mars 2016). 

À l’époque où les activités de ces entreprises étaient dénoncées, le responsable du CNRI Mehdi Abrichamtchi, auteur du livre Les Gardiens de la Révolution, L’armée intégriste et terroriste (ed. J. Picollec, juin 2008), pointait déjà du doigt leur travail sur des ogives nucléaires : « à cet endroit (Khojir, où sont implantés le groupe Hemmat et les industries Mohaved) on adapte les ogives conçues pour être installées sur les missiles Chahab 3 avec une portée de 2000 km. » Ainsi, les intentions des Pasdaran sont assez claires.

La sortie de Khamenei, qui vise directement la remarque de Rafsandjani lorsqu’il défend un « temps des missiles » qui n’est pas « révolu », éclaire un peu plus les luttes de pouvoir qui déstabilisent le régime en interne. Quoi qu’il en soit, les différentes factions au pouvoir semblent s’entendre sur un point : la continuation d’une politique de répression, de déstabilisation et d’exportation du terrorisme dans la région. En effet, le Président du régime Hassan Rohani lui-même s’est montré explicite sur son intention de ne pas se conformer aux restrictions sur les réserves de missiles balistiques de l’Iran, dont le développement devrait, en vertu de l’accord nucléaire, être suspendu pendant huit ans. Or, les activités douteuses des Pasdaran, d’une part semblent bien être liées à un programme nucléaire qui avait été dissimulé pendant longtemps avant d’être révélé par le CNRI ; d’autre part, plus que l’expression d’une défense indispensable, elles semblent d’abord être dédiées à un bellicisme éhonté dans la région et en Syrie. 

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