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Billet de blog 2 septembre 2016

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Iran : Un courageux prisonnier répond à l’arrogance criminelle d’un ministre

« Je dis à ce criminel de Pourmohammadi, qui a tué quatre innocents rien que dans ma famille: je suis à Gohardacht et ma soeur Maryam est aussi en prison. Ma soeur et moi nous sommes prêts à être pendus, nous n'avons pas peur. » Le prisonnier politique Reza Akbari-Monfared a fait parvenir depuis la prison de Gohardacht en Iran cette lettre débordante de courage.

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Illustration 1
Les prisonniers politiques iraniens Reza et Maryam Akbari-Monfared

Reza réagisait aux propos de Mostafa Pourmohammadi, ministre de la Justice du « modéré » gouvernement Rohani, qui s'est recemment venté  d'avoir mis en oeuvre le massacre de 30.000 prisonniers politiques sur une fatwa de l’Ayatollah Khomeiny durant l'été 1988. Il a déclaré le 28 aout dernier : «  Nous sommes fiers d’avoir exécuté le commandement de Dieu à propos des hypocrites (Monafeghine, terme péjoratif utilisé par le régime pour désigner les Moudjahidine du peuple d’Iran –OMPI). »

Pourmohammadi répondait lui-même à l’interpellation qui lui avait adressé suite à la révélation par le fils de l’ayatollah Montazeri de l’enregistrement d’une conversation de son père (qui fut dauphin de Khomeiny avant d’être écarté) avec les membres de la « commission de la mort » chargé de ce massacre, dont Pourmohammadi en était memebre.

Depuis cette révélation les mollahs n’arrêtent pour certains de s’accuser, pour d’autres de se défendre insolemment. Reza qui se trouve en prison avec sa soeur, Maryam, alors que plusieurs membres de sa famille ont été exécutés dans ces massacres, a eu le courage de répondre à l’arrogance du ministre de Rohani.

La Résistance iranienne a traduit l’intégralité de cette lettre inédite, que je vous invite à lire :

« Une des personnes les plus cruels et les plus sanguinaires, du nom de « Pour-Mohammadi », qui est également le ministre de la Justice du soi-disant « modéré » Rohani, probablement sur les recommandations de ce dernier, a fait une tentative d’intimidation des survivants du massacre de 1988 devant les caméras. Il n’était pas venu se disculper, mais plutôt de menacer les autres pour qu’ils retirent les réclamations qu’ils ont faites et ainsi d’empêcher que le voile soit levé de cet évènement criminel... mais, ces intimidations, exécutions et répression n’aboutissent pas à tous les coups !

Quoique cette personne sanguinaire, criminelle et ministre de l'Injustice ait été emmené à la télévision pour menacer explicitement et directement Ali Motahari (vice-président du parlement) en premier lieu, puis M. Montazeri (fils du défunt Ayatollah Montazeri), mais les commentaires de ce meurtrier étaient si répugnants et trompeurs que cela a ravivé une fois de plus dans mon esprit ces crimes et ces meurtres.

En recourant à des intimidations et à des déclarations sournoises, il essaie de nous faire taire également et de ne pas nous laisser dire quoi que ce soit... Je ne sais rien à propos de gens comme Motahari et je me demande si ces commentaires sont à des fins publicitaires ou pour gagner des postes ministériels ou autres postes ou si oui ou non il se soucie vraiment de connaître les faits... ?!

Cependant, en ce qui me concerne, le fait d’avoir perdu toute ma famille, fait que je n’ai rien à craindre ou à perdre.

Illustration 2

Par conséquent, moi qui ait perdu tous les miens, je ne me perdrai pas dans des considérations. De quoi veulent-ils me faire peur ? Ils ont massacré ma soeur et mes frères, et ma mère en est morte en faisant une crise cardiaque. Je n'ai plus rien à perdre.

Pour donner une idée de l'ampleur de ce massacre, et en me limitant à ma famille, je vais faire un rappel.

Mon frère Ali-Reza a été arrêté le 11 septembre 1981 et fusillé sept jours plus tard. Ils n'ont jamais rendu son corps. Au bout de quelques temps, ils nous ont montré un morceau de pierre dans la parcelle 85 du cimetière de Behecht Zahra, à Téhéran, et ils nous ont dit : "il est enterré là."

Alors on a organisé une petite cérémonie funéraire à la maison, parce qu'on n'a même pas eu l'autorisation de le faire à la mosquée. Un type du nom d’Akbar Khoch-Gouch du Komiteh de Nazi-Abad a lancé un raid avec des hommes du Komiteh sur notre maison.

Ils ont arrêté toute la famille et l’ont emmenée à la prison d'Evine. Et après des mois, ils en ont libérés, comme ma mère au bout de 5 mois.

Mais ma soeur, Roghieh, qui avait été arrêtée dans cette cérémonie, a été condamnée à dix ans de prison uniquement pour cela. En 1988, alors qu'elle avait purgé sept années de prison, ils l'ont exécutée sur ordre de la fatwa de massacre lancée par Khomeiny.

On a retrouvé la trace de mon autre frère Gholam Reza, qui était couturier, après plusieurs mois sans nouvelles, en 1983 à la prison d'Evine. L'année suivante, sans que l'on nous restitue son corps, à nouveau on nous a montré un morceau de pierre dans la parcelle 106 de Behecht-e-Zahra et on nous a assuré qu'il y avait été enterré. On n'a jamais su si c'était vrai.

Mon petit frère Abdolreza, qui début mai 1981, avant même la grande manifestation pacifique du 20 juin 1981, qui avait déclenché les vagues d'exécutions, avait été arrêté pour avoir vendu un journal dans le quartier de Khazaneh de Téhéran. Il a été condamné à trois ans de prison. Mais après avoir purgé sa peine, non seulement il n'a pas été libéré, mais de manière tout à fait illégale, il est resté quatre années de plus en prison.

Lui et ma soeur ont été emportés par la fatwa de mort de 1988. Ma soeur aussi avait été arrêtée en 1981. Ils ont, tous les deux, été exécutés.

Cette fois aussi, non seulement ils n'ont pas rendu les corps, mais ils n'ont pas indiqué de tombe non plus. Par contre ils ont durement menacé mon père et lui ont ordonné d'annoncer qu'ils étaient décédés de mort naturelle en prison. Peut-être qu'alors, ils feraient preuve de clémence et indiqueraient le lieu de sépulture. Mais ils ne l'ont jamais fait. Et cela fait 28 ans que nous ne savons pas où ils sont enterrés.

Et voilà que ce criminel de Pour-Mohammadi apparaît à la télévision, et se vante de ses crimes et de son service [au régime] après 28 ans, et menace de nouveaux massacres, tous les parents et survivants [des victimes], et même Motahari et Montazeri.

Tenu par la promesse faite aux miens, et à mes frères et soeur innocents et massacrés ((Roghiye, Gholamreza, Alireza et Abdulreza), je dis à ce criminel de Pour-Mohammadi, qu’il a tué quatre innocents juste dans ma famille. Moi je suis à Gohardacht et ma soeur Maryam est aussi en prison.

Mais pour lui, être innocent ou coupable n'a aucune importance et il exécute quand il en a besoin. Mais si le massacre de 1988 et le massacre actuel auquel on assiste dans tout l'Iran, n'a toujours pas poussé le monde à réagir, en tant que survivants et si ça s'avère nécessaire pour dénoncer ce massacre et ouvrir les yeux du peuple iranien et du monde, ma soeur et moi nous sommes prêts à être pendus, nous n'avons pas peur. Peut-être ainsi honorerons-nous une infime parcelle de notre devoir vis-à-vis de ce sang versé innocent.

Ainsi, au jour du Jugement dernier, aurons-nous quelque chose à dire et notre sang criera que les crimes de ces meurtriers de la commission de la mort n'ont aucun rapport avec l'islam, ni avec le Prophète de l'islam."

Reza Akbari Monfared, Prisonnier politique

Cellule 12, du quartier 4, prison de Gohardachte

Le 28 août 2016 »

Massacre des prisonniers politiques en Iran : bouleversante révélation © CNRI France
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