Un enregistrement qui dérange
Cette réunion comptait la présence de Hossein-Ali Nayeri, Morteza Eshraghi, Ebrahim Raeisi et Mostafa Pour-Mohammadi (actuel ministre de la Justice du gouvernement de Rohani). Sur l’enregistrement audio, on les entend approuver toutes les exécutions des prisonniers politiques du massacre de 1988 suivant la fatwa du régime de Khomeiny. On entend également la réaction de Hossein-Ali Montezori, qui qualifie les exécutions de « plus grands crimes commis sous la République islamique » et qu’ils seront remémorés comme des criminels. À noter que quatre membres de cette « commission de la mort » occupent actuellement des postes clés au pouvoir.
Suite à cette publication, la plupart des autorités et personnages publics de la République islamique des factions conservatrices et réformistes ont défendu la décision de Khomeiny de faire exécuter les 30 000 prisonniers. Cet enregistrement a également suscité de nombreuses réactions d’effroi en Iran mais également à l’étranger. C’est la première fois que ce sujet est présent dans les médias iraniens, car les autorités ont toujours cherché à éviter ce terrible épisode de l’histoire de l’Iran par crainte de poursuites devant un tribunal pénal international. De plus en plus de citoyens mais également de membres du régime réclament une lumière sur ce massacre. Les familles des victimes réclament quant à elles une justice internationale, comme par exemple Maryam Akbari Monfared, prisonnière politique, qui réclame une enquête depuis sa cellule à la prison d’Evine.
Ces vives réactions ont provoqué l’affolement des mollahs. Ali Khamenei a par exemple exprimé son inquiétude concernant « les efforts déployés pour blanchir » les Moudjahidines du peuple (Monafeghine selon lui). « Malheureusement, certaines personnes essaient de créer une image d'innocence pour ces criminels et de ternir l'image rayonnante du défunt Imam Khomeiny. », a-t-il ajouté. Le président de l’Assemblée du Discernement des intérêts de l’État a également lamenté « la vague d'attaques dirigées contre le fondateur de la République islamique ». « Le fait de soutenir l'organisation des monafeghine (Ompi) en ce moment est vraiment surprenant et mérite réflexion. L'objectif principal de nos ennemis internationaux et nationaux est de se venger du rôle sans précédent de l'Imam dans l'histoire contemporaine de l'Iran et du monde (...) Nous devons agir avec vigilance et expliquer le chemin de l'Imam d'une manière qui ne puisse être exploitée par les adversaires. » a-t-il déclaré.
Un procès expédié
Suite à la diffusion de cet enregistrement, Ahmad Montazeri aurait été jugé devant la Cour spéciale pour les membres du clergé à Qom le 19 octobre, selon les rapports. La famille de Montazeri a expliqué que la session de la Cour s’est tenue sans la présence d’un avocat de la défense ni d’un jury, et à « huit clos ». À noter que le procès a eu lieu de 9h à 13h.
Suite au procès, Ahmad Montazeri a été condamné à 21 ans de prison pour « actes contre la sécurité nationale », « atteinte à la sécurité de l’État » ou encore « publication d’enregistrements audio classés secrets ». Le tribunal des mollahs a cependant expliqué qu’il ne devrait purger « que » six ans de prison pour circonstances atténuantes. Bien que Montazeri ait démenti les accusations, le contenu du procès ne sera pas divulgué avant prononciation du verdict de la Cour. Hors, la Cour ne rend des comptes qu’au guide suprême.
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Un appel à la justice
L’organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI), dont les membres et sympathisants furent les principales victimes du massacre de 1988, réclament un procès pour les responsables de cette atrocité qu’ils qualifient à l’instar d’Amnesty International de « crime contre l’humanité ». Leur appel a été soutenu par 100 civils iraniens, militants des droits de l’Homme et universitaires qui ont adressé une lettre au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU et à la Cour pénale internationale. Cette lettre exige une reconnaissance du massacre, car ce crime reste aujourd’hui encore impuni.
En outre, un « Comité pour la justice en faveur des victimes du massacre de 1988 » a été créée et a récemment annoncé à Genève le début de ses travaux.
En outre, la résistance iranienne condamne la peine prononcée contre Montazeri et exhorte la communauté internationale de prendre des mesures pour assurer sa sécurité et empêcher son emprisonnement. « Cette quête pour la justice vise les fondements même de la tyrannie religieuse, c'est pourquoi le régime des mollahs est si angoissé et fragile face à lui », a expliqué Maryam Rajavi, présidente-élue de la Résistance iranienne, pendant une conférence internationale le 26 novembre dernier à Paris.
Reporters sans frontières dénoncent également la condamnation d’Ahmad Montazeri. « En condamnant Ahmad Montazeri à 21 ans de prison, la justice iranienne veut effacer l'Histoire », affirme leur article publié le 1er décembre dernier. Rappelons que l’Iran se classe à la 169ème place du classement mondial de la liberté de la presse 2016 de Reporters sans frontières (sur un total de 180).