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Billet de blog 16 mars 2017

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Le Comité international pour la justice pour les victimes du massacre de 1988 en Iran

Le Comité international pour « la justice pour les victimes du massacre de 1988 en Iran » (JVMI) a établi dans son premier rapport que ce qui avait été dévoilé publiquement et rapporté concernant le massacre de prisonniers politiques en Iran en 1988 n’était que la partie visible de l’iceberg.

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«Aujourd’hui, la nouvelle génération réclame des comptes sur ce qui s’est passé il y a trente ans. L’Iran aura à répondre des massacres de 1988», explique Azadeh Zabeti, vice-présidente du Comité des avocats anglo-iraniens mandatée par les familles des victimes de ce «massacre de masse».

 À la suite de la révision de la loi internationale, le Comité a souligné que les Nations-Unies avaient le devoir d’enquêter sur ce crime contre l’humanité et a demandé au Haut-Commissaire des droits de l’Homme d’ouvrir une enquête immédiatement. 

Les 360 pages du rapport ont été rendues publiques mercredi 15 mars 2017 lors d’une conférence de presse aux quartiers généraux des Nations-Unies à Genève. En plus d’avoir passé en revue toutes les informations publiques sur ce sujet, l’unique rapport a été rédigé par rapport à des interviews de douzaines d’anciens prisonniers politiques qui ont survécu aux évènements pendant l’été 1988 en Iran. De plus, une collection et une revue de plusieurs douzaines d’autres témoignages d’anciens prisonniers politiques et des familles des victimes, tout comme plusieurs douzaines de plaintes spécifiques envoyées au Haut-Commissaire par des proches directes des victimes du massacre de 1988, demandant une enquête sur ces crimes haineux contre l’humanité, ont été rassemblées. Ces membres des familles vivant en Iran ont pris de grands risques pour porter ces plaintes. Dans un des cas, selon Amnesty International, une plaignante, elle-même prisonnière politique, a dû faire face à un traitement dur pour avoir demandé des informations sur les exécutions de ses semblables en 1988. 

Le rapport a établi que le massacre de prisonniers politiques en Iran en 1988 n’était pas une position ad hoc de l’ayatollah Khomeiny, le fondateur de la République islamique iranienne. C’était en fait, un crime contre l’humanité prémédité, mené avec la pleine conscience des dirigeants du régime.

Il établit que l’étendue du massacre de 1988 était méconnue et sous-estimée. Même si on ne peut pas donner de chiffre exact, il est fortement probable que le nombre de victimes n’est pas dans la tranche des milliers comme on l’avait pourtant estimé jusqu’à maintenant. D'anciens dirigeants du régime ont parlé de ces chiffres qui comptent plus de 20 000 victimes. Un ancien membre du ministère des Renseignements et de la Sécurité a confirmé que le nombre exact était de 33 700. Il avait accès personnellement au dossier. 

La JVMI a établi qu’alors que Téhéran avait délibérément et systématiquement empêché la publication d’informations sur le massacre, les considérations politiques et les intérêts de l’État avaient jusqu’à maintenant empêché l’ouverture d’une enquête efficace sur ces exécutions collectives présumées pendant l’été 1988. Ce qui a créé une impunité injuste et excessive du régime iranien. 

Tahar Boumedra, l’ancien chef du bureau des droits de l’Homme à la Mission d’assistance de l’ONU pour l’Irak (UNAMI) et expert légal qui est l’un des principaux auteurs du rapport, a déclaré que le manque d’enquête avait renforcé les autorités de Téhéran pour poursuivre ses exécutions collectives, faisant ainsi de l’Iran le bourreau numéro un mondial d’exécutions par habitant. Il a souligné que l’enquête de l’ONU sur ces exécutions extrajudiciaires n’avait que trop tardé et que l’oubli et l’impunité n’étaient pas des options.

L’ancien membre de l’ONU a souligné qu’à la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, les Nations-Unies avaient reconnu le principe qu’il n’y a pas de période de limitation dans les poursuites pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Le facteur temps n’est pas un motif acceptable pour envoyer un dossier dans l’oubli. Les crimes contre l’humanité sont reconnus universellement, imprescriptibles et soumis aux juridictions universelles. Tolérer l'impunité est une perversion de la justice internationale. Le Haut-Commissaire doit ouvrir une enquête indépendante. Il n’y a pas eu beaucoup de crimes contre l’humanité similaires à cette échelle au 20e siècle.  

Azadeh Zabeti, la vice-présidente du Comité des avocats anglo-iraniens (CAIL), qui a pris part à la conférence, a déclaré que pendant presque trois décennies, le régime iranien avait rendu toute référence au massacre de 1988 tabou. Il y avait un code du silence au sein du régime concernant ce crime haineux. Toute mention du massacre de 1988 était traitée rapidement et durement. Ceci a changé depuis août dernier et la révélation d’un enregistrement audio de la réunion de l’ayatollah Montazeri avec les membres du « Comité de la mort » en 1988. Montazeri était l’héritier de Khomeiny à ce moment-là. Désormais le sujet du massacre de 1988 est devenu un problème social en Iran. En tant que tel, le silence de la communauté internationale en général et celui de l’ONU en particulier, a tardé pendant trois décennies, ce qui est inacceptable. Les Iraniens, notamment les familles des victimes cherchent, espèrent et demandent des réponses. 

 Selon Zabeti, le massacre de 1988 est lié avec la fondation de ce régime et ses dirigeants qui prennent les décisions clefs. Elle a cité Ebrahim Raisi, un des quatre individus qui a envoyé des milliers de prisonniers politiques à la potence à Téhéran. Selon les rapports de presse, Raisi est proposé en tant que successeur à Khamenei en tant que Guide suprême et il y a un bruit croissant en Iran comme quoi il pourrait être un candidat aux prochaines élections présidentielles en mai. Raisi est actuellement le gardien d’Astan Quds Razavi, qui est considéré comme un des plus grands conglomérats dans tout le Moyen-Orient.  

 Farzad Madadzadeh, un ancien prisonnier politique en Iran qui a fui le pays en 2015 a rejeté la notion de modération de la présidence d’Hassan Rohani. Selon ses observations directes, sous la présidence de Rohani, il a eu plus d’exécutions et de restrictions sur les prisonniers. Il a déclaré que la fantaisie de modération était fabriquée par les homologues du régime iranien pour justifier le fait de faire des affaires avec lui. 

Madadzadeh a été emprisonné pendant cinq ans dans une des prisons les plus tristement célèbres en Iran pour être un militant de l’organisation des moudjahidines du peuple iranien. Ses codétenus ont été exécutés. 

Madadzadeh a souligné que ceux impliqués et responsables du massacre de 1988 de 30 000 activistes, principalement de l’organisation des moudjahidines du peuple iranien, sont aujourd’hui à des postes clefs au pouvoir judiciaire et dans d’autres branches du gouvernement. 

Il a souligné l’impunité du régime iranien pour tous ces crimes, toutes ces exécutions, notamment l’exécution de 30 000 prisonniers politiques en 1988, ce qui est inacceptable. Il a déclaré que l’enquête sur le massacre de 1988 devrait avoir un impact direct sur la situation actuelle des droits de l’Homme en Iran. « Je voudrais souligner que les personnes qui mènent ces exécutions chaque jour en Iran sont les mêmes personnes impliquées dans le massacre de 1988. Il est grand temps qu’elles soient tenues pour responsable. »

Reportage: le massacre des prisons en 1988 en Iran © CNRI France

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